Critique

LIVRE

Windows on the world de Frédéric Beigbeder

Deux ans de réflexion

Le 31 mars 2020

Le roman d’un enfant gâté s’inspirant de la première tragédie du XXIe siècle. Du Beigbeder à l’état pur.

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  • lamericano 31 janvier 2006
    Windows on the world de Frédéric Beigbeder

    Le quatrième de couverture de « Windows on the World » : « Le seul moyen de savoir ce qui s’est passé dans le restaurant situé au 107ème étage de la tour nord du World Trade Center, le 11 septembre 2001, entre 8 h 30 et 10 h 29, c’est de l’inventer ».

    C’était écrit, Beigbeder allait s’attaquer à un sujet délicat : les attentats du 11 septembre 2001. Au lieu de cela, on a le droit à une autobiographie dudit Fred. Et la pudeur dans tout cela ? Et le respect des morts ? Non, Fred préfère nous parler de la façon héroïque avec laquelle il a osé voyager bourré en concorde (« il faut vraiment être un kamikaze comme moi pour grimper à bord de cet oiseau à aile delta », sic !) ou de ce moment où il a tenté de se mettre à la place des victimes des attentats en descendant à pieds les escaliers de la Tour Montparnasse ( !). Fred est un héros des temps modernes qui n’hésite pas à user ses berlutis ou à les baigner dans sa glaire.

    Fred aime les citations. Quand il explique qu’il est un « handicapé du cœur » en citant « Le mendiant de l’amour d’Enrico Macias », ou quand il raconte la disparition du père en se décrivant comme un dommage collatéral, il frise le ridicule et scande à la manière d’un publicitaire ; mais où est l’auteur, le vrai, celui qui touche le cœur des lecteurs. Fred se contemple en train d’écrire, et parfois (pour faire bonne figure ?) il se dénigre. Ca donne un « je m’accuse » qui commence par « je m’accuse de complaisance dans le narcissisme ». Pour paraphraser Baudrillard dans « Le complot de l’art », ça prétend être narcissique : « je suis narcissique ! Je suis narcissique ! » - et c’est vraiment narcissique. Toute la duplicité de Fred est là : revendiquer la complaisance dans le narcissisme (entre autres), l’insignifiance, viser le narcissisme alors qu’on est déjà narcissique. Viser le non-sens alors qu’on est déjà insignifiant. Prétendre à la superficialité en des termes superficiels... Bref, c’est du narcissisme qui se revendique en tant que tel ; c’est du narcissisme à la puissance deux.

    Cela ne serait qu’un impair commis contre la littérature s’il n’y avait pas eu les 2801 victimes. Quand 2801 morts sont des personnages secondaires, retranchés derrière l’histoire d’un pauvre petit homme riche qui pleure sur son sort, ça devient carrément indécent. Fred a poussé le vice jusqu’à appeler le héros pris dans les flammes du WTC du nom de sa grand-mère américaine. Il a trouvé le moyen de se raconter deux fois. On est encore une fois en plein narcissisme à la puissance deux. Carthew tombe rapidement le masque et s’efface progressivement au profit de Fred : tandis qu’au début Fred fait mine de raconter l’histoire de Carthew, à la fin, il fait sauter la couverture : Les passages sur le WTC se réduisent comme peau de chagrin, laissant toute la place au vrai héros de l’histoire, Fred himself.

    Windows on the World ? L’histoire d’un type qui va manger dans un restaurant chic de la Tour Montparnasse (et qui se plaint), qui prend l’avion (et qui se plaint), qui va à l’hôtel (et qui se plaint), qui va à des expos (et qui se plaint)... La première phrase de « Windows on the World » est « Vous connaissez la fin : tout le monde meurt ». C’est faux, à la fin, on apprend que Fred s’est marié avec Amélie. Une jolie happy end dans le journal d’un jeune homme bien élevé. Un peu comme le journal de Mickey, sans les grandes oreilles - le menton proéminent en plus -.

    Le 11 septembre 2001 comme prétexte pour se raconter... Les « grandes théories » sur les générations et la mondialisation sont presque aussi risibles que les rédactions que l’on confie aux enfants sur le thème : « si j’étais président, je ferais... ».

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