Kumquat mécanique
Le 5 août 2025
Le premier polar de Tsui Hark, brûlot ultraviolent malgré l’intervention de la censure, est un diamant noir de la « nouvelle vague » hongkongaise.


- Réalisateur : Tsui Hark
- Acteurs : Lo Lieh, Lin Chen-chi, Lung Tin-sang, Albert Au, Paul Che, Ray Lui
- Genre : Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Action
- Nationalité : Hongkongais
- Distributeur : Splendor Films
- Durée : 1h35mn
- Reprise: 7 février 2024
- Titre original : 第一類型危險 - Dangerous Encounter - 1st Kind
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans
- Date de sortie : 30 juillet 1985

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– Année de production : 1980
Résumé : Hong Kong, 1980. Une jeune fille pousse trois étudiants, responsables d’un meurtre, dans une dérive meurtrière et nihiliste.
Critique : Au milieu des années 1970, une bombe explosait dans un cinéma de Hong Kong : la police de l’île, qui était encore à l’époque une colonie britannique, découvrit stupéfaite qu’elle avait été posée par des adolescents issus de bonnes familles.
Pressuré par l’échec de ses deux premiers longs-métrages, The Butterfly Murders (1979) et Histoire de cannibales (1980), Tsui Hark s’inspira de cet attentat pour réaliser un polar à petit budget qui n’en devint pas moins son premier grand film, L’enfer des armes (Dangerous Encounters : 1st Kind à l’international).
- Copyright : Splendor Films
Comme souvent dans le cinéma hongkongais de l’époque, le réalisateur y brigande des musiques composées par d’autres, effectuant des emprunts à Oxygène de Jean-Michel Jarre, aux partitions de John Williams pour Star Wars ou à la bande originale de Zombie par le groupe Goblin. Mais c’est son ultraviolence et son nihilisme qui valurent au film d’être interdit par la censure.
Bricolant une histoire de trafic d’armes international, Tsui Hark dut tourner de nouvelles séquences mettant en scène des vétérans du Vietnam devenus mercenaires (et interprétés par des acteurs au jeu outrancier) et remonta près d’un tiers du long-métrage, au prix d’une certaine confusion dans la narration.
- Copyright : Splendor Films
Dernier opus d’un cycle que Tsui Hark intitulera lui-même « Trilogie du chaos », L’enfer des armes dépasse pourtant les faiblesses de son intrigue grâce à la brutalité de sa mise en scène et l’énergie survoltée de son montage : afin de donner le ton, le film s’ouvre sur des souris de laboratoire tournant en rond dans leur cage avant que des mains féminines ne viennent planter une aiguille dans le moelle épinière de l’une d’entre elles.
Dans la suite du récit, le cinéaste fait du dédale d’immeubles délabrés et de rues étroites du Hong Kong de l’époque le théâtre d’une balade sauvage où se déchaînent fusillades et course-poursuites pour achever son intrigue dans un finale dantesque entre les tombes du cimetière de Happy Valley. On regrettera uniquement que l’action penche parfois vers le grotesque, sans doute en raison de l’urgence dans laquelle le film dut être remonté.
- Copyright : Splendor Films
Malgré ce déchaînement de violence baroque qui n’épargne pas plus les personnages principaux que leurs adversaires, L’enfer des armes n’en reste pas moins le film de Tsui Hark le plus engagé socialement : bien que la censure ait contraint le cinéaste à en atténuer la teneur politique, dans la scène où le personnage féminin principal quitte son emploi, les actualités radiophoniques égrènent les maux d’une société aliénée.
De manière récurrente, sont ainsi placés au premier plan du cadre fils barbelés ou barreaux aux fenêtres comme pour montrer l’ex-colonie telle une prison à ciel ouvert. Et quand, dans l’ultime séquence, l’un de personnages tire à la mitraillette, apparaissent dans un montage alterné des photos de presse des émeutes de 1976, ainsi que des descentes de police et des arrestations violentes qu’elles entraînèrent.
Quarante ans après une première sortie confidentielle sur les écrans français, le premier polar de Tsui Hark, brûlot ultraviolent malgré l’intervention de la censure, est ressorti dans une version restaurée en 2K : une occasion de redécouvrir un diamant noir de la « nouvelle vague » hongkongaise.