Le 18 mai 2025
Entroncamento ou la difficulté de s’extraire de ses origines sociales et de son passé pour recouvrir une insertion réussie. Un film passionnant et prometteur.
- Réalisateur : Pedro Cabeleira
- Acteurs : Ana Vilaça, Cleo Diára, Rafael Morais, Tiago Costa, Sérgio Coragem, André Simões, Henrique Barbosa
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Portugais
- Durée : 1h31mn
- Titre original : Night Passengers
- Festival : Festival de Cannes 2025, ACID Cannes 2025
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Résumé : Fuyant un passé trouble, Laura se réfugie à Entroncamento pour reconstruire sa vie et se lie à une jeunesse désabusée pas si différente d’elle. Un travail honnête peut-il rivaliser avec l’appel du crime ? Violence, malchance, cupidité et loyauté règnent dans les rues — chacun veut une vie meilleure.
Critique : La quête du bonheur, de la sécurité et de la paix ne fait concerne aussi la classe populaire issue de la communauté des Gitans. Voilà à peu près le message fondamental de ce film qui, à travers la figure ambivalente de Laura venue à Entroncamento pour fuir son passé et se reconstruire, démontre avec effroi qu’il est difficile, voire impossible, d’échapper au déterminisme lié à ses origines. La jeune femme a quitté Porto, est venue habiter chez un cousin, mais est très vite rattrapée par les trafics de drogue, les règlements de compte entre bandes rivales et la désespérance sociale.

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Entroncamento est un film dur dans la lignée des œuvres de gangsters. Le réalisateur fixe son regard sur deux jeunes femmes, toutes deux fréquentant l’un des leaders de deux bandes rivales en conflit pour une histoire de dettes. Les trahisons, la drogue et l’argent sale occupent le quotidien des hommes qui entraînent désespérément dans leur vertige femmes et enfants. La recherche d’un travail ordinaire se heurte non seulement à la discrimination mais aussi à la puissance des réseaux de narcotrafic qui rongent le monde. Cela fait de cette fiction un témoignage de grande actualité où l’on se rend compte combien les activités illégales structurent des communautés entières dont il est très complexe de se désolidariser. Même la musique de rap s’appuie et entretient un modèle social assez désespérant où l’argent facile devient l’obsession quasi maladive des personnes. L’espoir vient sans doute des femmes, du moins est-ce le message porté par Pedro Cabeleira : elles sont capables de faire alliance pour remettre un peu d’ordre dans le chaos. Mais cet espoir est vite déçu, montrant que la grande délinquance, jusqu’alors plutôt masculine, ne se soucie plus de sexe, les femmes prenant ici bien au contraire leur revanche sur un ordre très masculiniste.
La sélection ACID 2025 fait la démonstration progressivement d’un festival qui n’a pas à rougir face à la sélection officielle cannoise. Le long-métrage revêt ici la qualité d’un film qui aurait pu tout à fait trouver sa place à La Semaine de la Critique ou Un certain Regard. La mise en scène est très précise, très maîtrisée et les acteurs inconnus du grand public interprètent leur rôle avec beaucoup de conviction. Bien sûr, Entroncamento ne révolutionne pas le cinéma de genre, mais a le mérite de renouveler une vision plus jeune sur ce qui a fait le succès des films noirs des années 70 et 80. La plupart des scènes se déroulent dans la nuit, marquant la désespérance de cet univers du narcotrafic.

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Le réalisateur insère aux côtés de chansons de rap un extrait au piano d’une œuvre classique, comme une démonstration d’un pont possible entre les univers bourgeois, normés, et ceux des banlieues où les inégalités se répètent inlassablement. La fuite semble la seule solution pour échapper à son déterminisme, comme en témoigne la fin qui rejoint dans une certaine mesure le début de l’histoire. L’écriture du film se démarque par une très grande rigueur que les comédiens assument parfaitement. On pourra seulement regretter un format trop long qui aurait mérité quelques coupures, une fois que le spectateur a compris la mécanique de la fiction.
Nul doute qu’Entroncamento trouvera son distributeur et sa place sur les écrans, le film n’ayant pas été encore acheté à l’heure où il est programmé en projection à Cannes et que nous écrivons cet article. C’est bien là le but des organisateurs de l’ACID qui cherchent à promouvoir un cinéma rare, nouveau, et des noms de réalisateurs qui feront les succès de demain. En tout cas, il n’y a pas de question à se poser s’agissant du talent incontestable de Pedro Cabeleira qui donne ici la voix aux populations issues de l’immigration ou des communautés populaires dans un film désenchanté mais prometteur.
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