Le 30 novembre 2025
Académique, explicative, invraisemblable et dotée de dialogues maladroits, cette adaptation littéraire est un faux pas dans la filmographie jusqu’ici séduisante de Jérôme Bonnell.
- Réalisateur : Jérôme Bonnell
- Acteurs : Emmanuelle Devos, François Chattot, Camille Rutherford, Swann Arlaud, Galatéa Bellugi, Louise Chevillotte, Jonathan Couzinié, Aymeline Alix
- Genre : Drame
- Nationalité : Français
- Distributeur : Diaphana Distribution
- Durée : 1h43mn
- Date de sortie : 10 décembre 2025
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Résumé : C’est l’histoire de Céleste, jeune bonne employée chez Victoire et André, en 1908. C’est l’histoire de Victoire, de l’épouse modèle qu’elle ne sait pas être. Deux femmes que tout sépare mais qui vivent sous le même toit, défiant les conventions et les non-dits.
Critique : Révélé en 2002 avec Le chignon d’Olga, Jérôme Bonnell est le réalisateur de films gracieux et au véritable charme, axés sur le couple, avec un ton et un style dans le prolongement de la Nouvelle Vague. À trois on y va ou Chère Léa en forment quelques heureux jalons, qui nous rendaient curieux (et optimistes) face à l’annonce que le cinéaste allait se frottait à une adaptation littéraire en costumes. Tiré du roman Amour de Léonor de Récondo (Sabine Wespieser éditeur, 2015), La condition est une cruelle déception. Le scénario nous transporte dans une demeure provinciale cossue du début du XXe siècle, dans laquelle André (Swann Arlaud), notaire de profession, tyrannise deux femmes. La première est Victoire (Louise Chevillotte), son épouse, qu’il humilie quotidiennement, en la forçant à exercer son « devoir conjugal » ; la seconde est Céleste (Galatéa Bellugi), la domestique, qu’il viole régulièrement. Quand une grossesse non désirée se manifeste, les trois personnages vont tenter de trouver un arrangement, tandis que la noirceur et l’ignominie d’André ne font qu’empirer de jour en jour. Et que notre agacement s’accroît au fil de la projection…

- Swann Arlaud, Louise Chevillotte
- © 2025 Diaphana Films. Tous droits réservés.
On ne peut pas reprocher à Jérôme Bonnell d’avoir cédé à une commande de producteur : il déclare avoir eu un véritable coup de foudre pour ce roman et avoir dû attendre plusieurs années avant de pouvoir en entreprendre l’adaptation. Le problème est que le récit est très manichéen, la psychologie des personnages étant cernée à la truelle. Académique, explicative, et dotée d’invraisemblances gênantes, la narration peine à convaincre, d’autant plus que les deux personnages féminins finissent par tenir des propos et effectuer des actes qui ne sont pas ceux de leur époque. On veut certes bien entendre le cinéaste qui confie dans le dossier de presse : « La résonance directe avec les débats qui nous animent et la libération de la parole devait constituer la profonde ambition du film, sa seule raison d’être. Il m’a fallu attendre deux ans pour faire ce chemin, conserver certains éléments du livre, mais aussi trahir – il faut toujours trahir un peu – et adapter librement. La complexité des rapports hommes femmes parcourt tous mes films, avec des personnages féminins souvent au centre. L’envie de regarder cela d’encore plus près, plus intensément, en inscrivant le récit dans une époque passée, me passionnait. »

- Galatea Bellugi, Louise Chevillotte
- © 2025 Diaphana Films. Tous droits réservés.
Mais c’est précisément cette greffe du néoféminisme à un cadre narratif d’une autre époque qui ne passe pas, tant les protagonistes sont des pantins articulés dans le cadre d’un art du marionnettisme. « Plus réussi est le méchant, plus réussi sera le film », déclarait Hitchcock : la manière dont le personnage masculin est traité valide cet adage, surtout quand on songe aux figures toxiques que le cinéma a déjà proposées, nettement plus réussies, de Charles Boyer dans Hantise à Melvil Poupaud dans L’amour et les forêts, en passant par Arturo de Córdova dans EL (Tourments) et Giancarlo Giannini dans L’innocent. C’est dommage pour les acteurs qui n’en sortent pas indemnes, et surtout pas Emmanuelle Devos dans le rôle de la vieille mère acariâtre et grabataire, qui réussit l’exploit de cabotiner dans un emploi muet. Tout au plus peut-on sauver la photo de Pascal Lagriffoul pour l’éclairage de certains intérieurs. C’est bien peu pour atténuer le ratage d’une œuvre passée à côté de son sujet.
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