Riz amer bis
Le 8 juillet 2017
Cette improbable rencontre du mélodrame à fond catholique et du documentaire naturaliste-folklorique, traversé de touches d’érotisme sadien, ne dépare pas la filmographie hétéroclite de Raffaello Matarazzo, cinéaste singulier et atypique.
- Réalisateur : Raffaello Matarazzo
- Acteurs : Elsa Martinelli, Michel Auclair, Rik Battaglia, Vivi Gioi, Lilla Brignone, Folco Lulli
- Genre : Drame, Mélodrame
- Nationalité : Italien
- Durée : 1h40mn
- Titre original : La risaia (La rizière)
- Date de sortie : 23 septembre 1959
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– Sortie en Italie : 27 janvier 1956
L’argument : Pietro Guerrini reconnaît en Elena, une des ouvrières saisonnières qui travaillent dans ses rizières, sa fille âgée de 20 ans mais dont il ignorait jusque là l’existence. Sans révéler le lien qui l’unit à la jeune femme, il entoure celle-ci d’attentions qui ne manquent pas de paraître suspectes, notamment à Gianni, un mécanicien bientôt fiancé à Elena.
Celle-ci est aussi poursuivie par les assiduités de Mario, le neveu de Pietro, un jeune homme oisif qui parade avec sa décapotable rouge et collectionne les conquêtes fémminines.
Lors d’une dispute, Gianni tue Mario et Pietro se constitue prisonnier à sa place.
Notre avis : La carrière de Raffaello Matarazzo (1909 – 1966), auquel la Cinémathèque Française rend hommage du 3 juillet au 4 août 2013, est des plus atypiques et singulières.
Débutant en 1933 avec une magnifique comédie pré-néoréaliste, Treno popolare, annonçant la veine de celles tournées plus tard par le duo Emmer-Amidei, sa filmographie s’étend sur une trentaine d’années et comprend une quarantaine de films : comédies trépidantes (L’avventuriera del piano di sopra, 1941 ; Giorno di nozze 1942) ; , Il birichino di papà, 1943) ; films en costumes (Paolo e Francesca, 1950 ; Verdi, 1953) ; hommage au genre du policier muet à épisodes (Fumeria d’oppio, 1947, où Emilio Ghione Jr reprenait le personnage de l’apache Za-la-Mort créé par son père trente ans plus tôt) ; ou encore un incroyable film d’aventures aux accents sadiens, devenu culte (La nave delle donne maledette / Le navire des filles perdues, 1954).
- Elsa Martinelli dans La risaia (Matarazzo 1955)
C’est cependant pour la série de mélos catholiques entamée en 1949 avec Catene / Le mensonge d’une mère que Matarazzo est surtout connu. Interprétés souvent (pour sept d’entre eux) par le couple Amedeo Nazzari/Yvonne Samson, ces films (en particulier le diptyque formé par I figli di nessuno et Angelo bianco), méprisés à l’époque par la critique, pulvérisèrent les records d’entrées et font désormais l’objet d’exégèses qui les rapprochent volontiers des oeuvres contemporaines d’un Douglas Sirk.
Plusieurs aspects de l’intrigue de La risaia, tourné en 1955, c’est-à-dire au moment où la carrière de Matarazzo atteint son zénith en terme de succès public, rattachent ce film à cette veine mélodramatique populaire qui évite de prendre le moindre recul face aux archétypes du genre mais cherche, à travers un vrai travail de mise en scène et de composition visuelle, à leur donner le maximum d’impact dramatique sans s’embarrasser de subtilité ni de vraisemblance psychologique. Le doublage grossier (dans la vo italienne) et la musique du Maestro Lavagnino renforcent d’ailleurs ici un côté roman-photo qui ne manque généralement pas de faire ricaner certains spectateurs lors des projections actuelles.
- Elsa Martinelli et Rik Battaglia dans La risaia (Matarazzo 1955)
Le caractère clos sur lui-même, quasi abstrait, de cet univers de mélodrame obéissant à des règles de fonctionnement bien établies est ici brisé par des éléments venus d’autres genres, le choix de situer l’action dans le contexte de Riz amer visant évidemment à renouveler le succès obtenu en 1949 par le film de De Santis.
Les séquences tournées dans les rizières aux environs de Novara adoptent ainsi un point de vue ouvertement documentaire et le travail pénible des ouvrières saisonnières y est montré avec un souci marqué de réalisme, même si l’Eastmancolor et les panoramiques en cinémascope accompagnés de chants de mondine recherchent avant tout l’imagerie pittoresque.
L’insistance sur les brimades subies par toutes ces jeunes femmes aux cuisses dénudées qui ne manquent pas à l’occasion de se crêper le chignon dans la boue donne à de nombreuses scènes une coloration puissamment érotique de nature aussi sadienne que celle qui se déploie dans La nave, tandis que la jeunesse et le charme d’Elsa Martinelli et de Rik Battaglia permettent au marivaudage des deux jeunes premiers de faire souffler un vent de légèreté sur un ensemble parfois un brin indigeste qui tente de jouer sur tous les tableaux à la fois et ne laisse de côté aucun passage obligé, alignant consciencieusement les scènes à faire (y compris un incendie dans un dortoir).
Ce caractère hétéroclite, le côté bricolé de certains enchaînements (et du doublage !) qui jure avec une rigueur et un savoir faire manifestes par ailleurs, et surtout l’espèce de droiture franche, presque de froideur, avec laquelle le cinéaste assume sans broncher tous les excès donnent à ce film déroutant un relief appréciable.
- La risaia (Matarazzo 1955)
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