Monologues du vagin
Le 26 avril 2005
De l’origine du monde au jardin d’Eden, il n’y a qu’une pomme, celle qui inspire Enis Batur dans un roman/essai brillant et drôle.
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En 1866, à la demande du turc Khalil Pacha, Courbet peint une des plus superbes énigmes de l’histoire de l’art. L’origine du monde vivra une vie clandestine pendant près d’un siècle et demi, avant d’entrer par la grande porte du Musée d’Orsay pour offrir son mystère au public. Objet de tous les fantasmes et supputations, le tableau aura été tour à tour enfermé, recouvert par une autre toile ou par un simple rideau, même chez Lacan, son dernier acquéreur, qui, de la théorie à la pratique, ne franchira pas le pas qui aurait pu mettre le sujet face à son désir !
Enis Batur, turc lui aussi, suit pas à pas la genèse du tableau, à travers ce qu’on sait de Khalil Pacha, et ce qu’on peut en imaginer. Sa rencontre avec Courbet, la commande, et les questions qui s’imposent. Qui a choisi le sujet ? Le titre ? Qui a posé ? S’en suit une mise en fiction d’un tableau sur lequel rien n’a encore été dit, un décryptage du regard que l’on porte sur cette œuvre. Œuvre scandaleuse, une de plus, comme l’avait été en son temps l’Olympia de Manet, mais Batur nous fait entrer dans des zones d’ombres qui vont bien au delà de la simple observation d’un tableau. Pourquoi L’origine du monde est inregardable ? Pourquoi n’est-ce pas un nu comme les autres ? Comment Courbet a-t-il fait de ce vagin l’œil absolu et insupportable qui nous scrute du fond de l’indicible ?
Qu’en est-il alors de cette pomme qui s’impose comme un fil conducteur à travers les deux récits qui composent le recueil ? Il était une fois Guillaume Tell propose une autre variation qui débouche inévitablement sur une histoire de serpent et de jardin... Cherchez la femme !
Enis Batur se laisse aller aux errances d’une pensée brillante et ironique qui traque inlassablement le derrière des choses, et la compréhension, la connaissance, celle qui, dit-on, vient du fruit défendu.
Enis Batur, La pomme, (traduit du turc par Ferda Fidan), Actes Sud, 2005, 236 pages, 21,50 €
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