Le 24 décembre 2025
Derrière les secrets et l’histoire personnelle d’un homme se dessinent les traumatismes enfouis d’un pays dont le monde se soucie peu. Un film qui trouve son équilibre entre onirisme et réalisme, dignité et désir de transmission.
- Réalisateur : Tamara Stepanyan
- Acteurs : Denis Lavant, Camille Cottin, Hovnathan Avédikian, Zar Amir, Shant Hovhannisyan
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Arménien
- Distributeur : Pan Distribution
- Durée : 1h44mn
- Date de sortie : 31 décembre 2025
- Festival : War on Screen 2025, Festival Locarno 2025
L'a vu
Veut le voir
Résumé : Céline arrive pour la première fois en Arménie afin de régulariser la mort d’Arto, son mari. Elle découvre qu’il lui a menti, qu’il a fait la guerre, usurpé son identité, et que ses anciens amis le tiennent pour un déserteur. Commence pour elle un nouveau voyage, à la rencontre du passé d’Arto : invalides des combats de 2020, vétérans de guerre, hantises d’une guerre qui n’en finit jamais. Une femme court après un fantôme. Comment faire pour l’enterrer ? Peut-on sauver les morts ?
Critique : Après plusieurs courts métrages et un long métrage documentaire Mes fantômes arméniens, dans lesquels elle explore, sous différents angles, les blessures de son pays, la réalisatrice franco-arménienne décide de lever partiellement le voile sur l’histoire et la culture de ce petit pays d’Asie occidentale. Coincé entre la Turquie, la Géorgie, l’Azerbaïdjan et l’Iran, il semble en effet n’intéresser que très peu la communauté internationale, bien qu’il ait été souvent éprouvé, tant par les conflits que par les catastrophes naturelles.

- Crédit : LE PAYS D’ARTO 2025 - LA HUIT PRODUCTION - PAN DISTRIBUTION
Tamara Stepanyan choisit comme cadre pour son héros principal (qui n’apparaîtra que par intermittence) la région du Haut-Karabagh, un territoire qui enflamme, depuis des décennies, les relations entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Dans les années 1990, Arto a combattu pour la défense de ce bout de terre avant de s’exiler en France et d’enfouir au plus profond de lui la souffrance laissée par cette guerre, parvenant même à cacher à sa femme ce pan de son existence. À son décès, une démarche administrative amène Céline (Camille Cottin), qui souhaite que ses enfants puissent bénéficier de la nationalité de leur père, à fouler le sol du pays natal de celui dont elle a partagé la vie pendant vingt ans. Elle n’imaginait pas qu’après s’être perdue dans le dédale des services d’état civil locaux, son voyage prendrait l’allure d’une quête plus historique que personnelle, aux ramifications insoupçonnées.

- Crédit : LE PAYS D’ARTO 2025 - LA HUIT PRODUCTION - PAN DISTRIBUTION
Dans un premier temps, elle est attirée par ces magnifiques paysages où la nature semble avoir gardé tous ses droits. Puis, au fur et à mesure, elle découvre les stigmates du tremblement de terre de 1988 et des attaques militaires sans cesse répétées. Elle croise des anciens combattants, des jeunes qui veulent encore croire en l’avenir de leur pays tandis que d’autres sont dévorés par la colère. Peu à peu, la consécration due à ces âmes sacrifiées prend le pas sur ses recherches individuelles. Présenté en ouverture du Festival de Locarno, puis en compétition à War on Screen, ce festival qui a la particularité de scruter les conséquences des conflits en tous genres, le film trouve son équilibre entre onirisme et réalisme, dignité et désir de transmission, malgré une mise en scène d’une sobriété qui frôle parfois la langueur. Dans un rôle intériorisé, Camille Cottin reste à distance. Sa partenaire de jeu, Zar Amir, lui vole allégrement la vedette, tout à fait convaincante sous les traits de cette guide investie dans la défense de sa patrie. Le dernier plan offre la vision d’un ex-combattant, mentalement détruit par les horreurs des luttes armées successives, incarné par un Denis Lavant remarquable, faisant de ce récit universel un plaidoyer contre l’absurdité de la guerre mais aussi un hymne à la beauté de la nature, alternative réparatrice face à la violence humaine.
















