Le 8 juillet 2025
Filmé à la façon d’un documentaire, Le rire et le couteau est une longue balade au cœur des identités culturelles, sexuelles et sociales complexes, dans un pays, la Guinée-Bissau, encore hanté par un siècle de colonisation portugaise. Un film saisissant.


- Réalisateur : Pedro Pinho
- Acteurs : Cleo Diára, Sérgio Coragem, Jonathan Guilherme, Jorge Quintino Biague
- Genre : Érotique, LGBTQIA+, Aventure
- Nationalité : Français, Brésilien, Portugais, Roumain
- Distributeur : Météore Films
- Durée : 3h31mn
- Titre original : O Riso e a Faca
- Date de sortie : 9 juillet 2025
- Festival : Festival de Cannes 2025

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Résumé : Sergio voyage dans une métropole d’Afrique de l’Ouest pour travailler comme ingénieur environnemental sur la construction d’une route entre le désert et la forêt. Il se lie à deux habitants de la ville, Diara et Gui, dans une relation intime mais déséquilibrée. Il apprend bientôt qu’un ingénieur italien, affecté à la même mission que lui quelques mois auparavant, a mystérieusement disparu.
Critique : Sergio arrive en Guinée-Bissau, habité par un désir de justice et de bons sentiments, afin de rédiger une enquête sur la construction d’une route à travers les zones protégées du pays. Il n’a rien du conquérant vulgaire, comme ces ouvriers portugais qui considèrent les femmes noires comme une nourriture sexuelle médiocre. Lui essaye de se lier avec les habitants autour de son hôtel et vivre un peu à l’africaine. Mais les choses se compliquent car, quoi qu’il en dise, il ne peut pas si facilement se défaire de son regard d’européen sur un pays qui porte encore les stigmates de la colonisation portugaise.
Le Rire et le couteau peut faire peur au regard des 3 heures 30 qui le caractérisent. Le cinéaste Pedro Pinho a fait ses premières armes avec le documentaire. Voilà une œuvre de cinéma qui prend véritablement le temps de regarder les Guinéens, suivant à la trace les efforts du protagoniste pour se fondre dans la vie locale et échapper au déterminisme culturel. Les soirées festives, les repas en famille, les après-midis dans un bar gay sont autant d’opportunités pour Sergio d’apprivoiser les us et coutumes de son nouveau pays d’accueil. Mais les intérêts en faveur de la préservation écologique ne convergent pas toujours avec les besoins des habitants qui peinent à sortir de la pauvreté endémique et doivent cohabiter avec les subsides de leurs pratiques animistes et les ravages laissés par l’emprunte coloniale.
- Copyright Météore Films
Le film a obtenu le prix de la meilleure actrice décerné à Cleo Diára dans la section Un Certain Regard de Cannes 2025. On se souvient encore de ses cris de joie au moment de recevoir le prix, et de sa formidable énergie en faveur d’une émancipation des femmes et de l’Afrique. Message important pour les artistes et cinéastes africains qui bataillent pour faire reconnaître l’identité et la souveraineté de leurs pays, encore trop peu valorisés par l’ensemble du monde. Elle interprète une jeune femme d’une liberté absolue qui fait vivre son bar gay et lesbien, en dépit de la pression morale des communautés religieuses, et qui a choisi la liesse comme mode d’existence. Mais les choses ne sont jamais si simples, surtout quand un Européen en la personne de Sergio avoue avoir refusé une grosse somme d’argent pour orienter son rapport en faveur du tracé de la route.
En prenant le temps de déployer la complexité identitaire des personnages, Pedro Pinho échappe au biais du manichéisme souvent de mise dans ce type de récit. La sonorité politique de sa vision est évidente, même s’il ne prend pas ouvertement parti en faveur de ceux qui cherchent à protéger la nature et les autres qui plaident pour une amélioration de vie de leurs conditions économiques. L’eau potable est par exemple très difficilement accessible pour nombre de villageois qui, faute de routes, ne peuvent pas se rendre rapidement à l’école ou dans un hôpital. D’ailleurs, Sergio fait lui-même l’expérience de la maladie, alors qu’il mène une enquête dans un territoire reculé où un promoteur s’apprête à construire une route. C’est au spectateur de se faire sa propre opinion, tout en sachant que la nuance est de mise.
Le Rire et le couteau s’inspire du titre d’une chanson qui déroule les paradoxes du langage et des situations de la vie quotidienne. Tout le film est baigné de très nombreuses musiques qui apportent au récit une couleur totalement solaire. De belles scènes accompagnent des danseurs qui ondulent leur corps au rythme des percussions africaines, dans un subtil jeu de séduction et pouvoir. La sensualité côtoie un propos plus grave qui tente de conjurer les empruntes du passé colonialiste de la Guinée-Bissau. Il faut saluer aussi le soin apporté à la photographie où les villes, les contrées désertiques ou aqueuses sont merveilleusement mises en valeur.
Accepter de passer plus de trois heures dans un cinéma ne doit surtout pas être vécu comme une contrainte. Le Rire et le couteau est une invitation au voyage, à la réflexion et à l’éveil des sens à travers ces corps masculins et féminins qui s’adonnent ensemble au meilleur de l’amour.
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