Le 8 mai 2025
Inédite dans les salles jusqu’en 2025, cette œuvre singulière adopte un regard féminin sur l’oppression des femmes palestiniennes et libanaises. Une structure éclatée audacieuse au service d’une démarche sincère.


- Réalisateur : Heiny Srour
- Acteurs : Rafic Ali Ahmad, Nabila Zitouni, Raja Nehme, Sabah Obeid, Samar Samy
- Genre : Drame, Historique, Politique
- Nationalité : Britannique, Français, Suédois, Belge, Néerlandais, Libanais
- Distributeur : DHR - À Vif Cinémas
- Durée : 1h30mn
- Titre original : Leila wa al ziap
- Date de sortie : 7 mai 2025
- Festival : Festival de Venise 2021

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– Année de production : 1984
Résumé : Leila, étudiante libanaise, voyage à travers le temps et l’espace pour réfuter la version coloniale et masculine de l’Histoire présentée par son amoureux Rafic. Son périple commence sous le mandat britannique des années vingt et finit dans la guerre civile libanaise. Survolant quatre-vingt ans d’Histoire, elle procède à l’excavation archéologique de la mémoire collective des femmes palestiniennes et libanaises et révèle leur rôle occulté. Au bout de son voyage elle réalise que le patriarcat opprime également les hommes.
Critique : Distribué pour la première fois en France en 2025, après une restauration et une sélection à Venise en 2021, Leila et les loups est le second long métrage de Heiny Srour, et date de 1984. La réalisatrice avait été révélée dix ans plus tôt avec L’heure de la libération a sonné, présenté à la Semaine de la Critique. De nationalité libanaise, Arabe mais née dans une famille de confession juive, ayant suivi des études d’anthropologie et de cinéma en France, bloquée à Londres lors du déclenchement de la guerre civile libanaise, la cinéaste est au carrefour de plusieurs cultures. En même temps, elle n’a cessé de dénoncer le sort des femmes, et particulièrement les Libanaises et les Palestiniennes. Écrit en quelques semaines, le scénario de Leila et les loups est explicitement militant (dans son approche géopolitique et ses revendications féministes) mais adopte délibérément la tonalité du conte, avec des passages allégoriques qui débouchent sur une subtile mise en abyme « Parce que ma culture est alimentée par les contes des Mille et Une Nuits, transmis par ma grand-mère, une divine conteuse. Cette œuvre d’une imagination et d’une pertinence avant-gardiste dans sa critique sociale, était profondément anti-despotique, anti- esclavagiste, anti-zèle religieux, et surtout immensément féministe. Voyager librement à travers le temps et l’espace pour critiquer la version coloniale et masculine de l’Histoire a donc été, pour moi, un automatisme inconscient venu de cette lecture déterminante de l’enfance. »
- Crédit : Philippe Elusse
Ces intentions révélées dans le dossier de presse éclairent le projet de Heiny Srour, qui s’est projetée sur le personnage central de Leila, étudiante libanaise vivant en Europe mais que l’on retrouve à diverses périodes, entre 1900 et 1980, témoin et actrice de diverses situations tendues. Si la chronologie est linéaire, le dispositif n’en demeure pas moins éclaté, avec quelques allers-retours entre l’Histoire et le présent (les années 80 donc). La cinéaste excelle à montrer le parallèle entre la domination de pays arabes par des puissances coloniales au XXe siècle, et celle des femmes par des hommes (maris, pères, ou représentants de l’autorité publique) qui les cantonnent durablement à une place subordonnée, au sein d’un patriarcat injuste. Tolérées comme force d’appoint dans les divers mouvements de résistance ou de guerre, elles sont aussitôt reléguées à leur condition aliénante dans les périodes d’accalmie.
- Crédit : Philippe Elusse
La beauté de Leila et les loups apparaît dans ces séquences poétiques étranges, mises en valeur par un montage éblouissant, à l’instar d’un leitmotiv visuel de femmes voilées de noir de la tête aux pieds, assises sur la plage, face à une Leila de blanc vêtue, qui semble endosser le statut de guide… On appréciera aussi la portée prophétique d’un film qui anticipe la dégradation de la situation de la femme dans certains pays arabes depuis quelques décennies. On sent de surcroît dans ce long métrage les tensions du tournage, plusieurs séquences ayant été filmées en Syrie dans des conditions dangereuses pour l’équipe. Si l’ajout de quelques images d’archives n’apporte pas grand-chose à l’ensemble, Leila et les loups est une œuvre vraiment intense, et l’on regrette que Heiny Srour n’ait pas réalisé davantage de films. Signalons que la cinéaste, qui vit depuis quelques années à Paris, est par ailleurs autrice du livre Femme, arabe et... cinéaste (1976), coédité par Motifs (Alger), Archives Bouanani (Rabat) et Talitha (Rennes), dans la collection INTILAK, et qui vient d’être réédité.
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