Les désastreuses aventures des orphelins Baudelaire

Les malheurs des orphelins Baudelaire somptueusement portés à l’écran sans rien trahir de l’univers de Lemony Snicket.

L’argument : Violette, Klaus et Prunille Baudelaire sont orphelins depuis que leur parents ont disparu dans l’incendie de la maison familiale. Ballottés de tuteur en tuteur, leur vie n’est qu’une succession de catastrophes qui les oblige sans cesse à fuir devant les manigances perverses du Comte Olaf, leur premier tuteur, qui compte bien mettre la main sur leur héritage.

Notre avis : Un casting irréprochable, des décors de rêve, des gentils, des méchants, du malheur, des sourires et des larmes. Les orphelins Baudelaire passent à l’écran et le défi était de taille. Depuis des semaines, on s’interrogeait dans les cours de récréation. Est-ce que ça sera le premier tome ? Ou un autre ? Ou une histoire écrite juste pour le film ? La bande-annonce n’avait fait qu’épaissir le mystère. Tante Agrippine et l’Oncle Monty s’y partageaient curieusement la vedette, et Klaus n’avait plus de lunettes.
C’est que Brad Silberling, le réalisateur, et Robert Gordon, le scénariste, ont choisi d’adapter les trois premiers tomes : Tout commence mal, Le laboratoire aux serpents et Ouragan sur le lac. Et il s’agit bien d’une adaptation, plutôt que d’une "mise en images". Les trois romans sont triturés, remaniés, ré-imaginés, et il en sort une histoire à la fois originale et extrêmement fidèle aux textes, enrichie de nouveaux épisodes qui viennent renforcer ceux que tous les lecteurs attendent. Des acteurs sur-mesure qui collent parfaitement au physique de leur rôle, des décors somptueux qui recréent magnifiquement l’univers de la série et le délire des lieux que traversent les orphelins (la maison de Tante Agrippine est un chef-d’œuvre du genre), une atmosphère atemporelle, comme une réalité un peu décalée, une image mentale qui prendrait vie. Jim Carrey, en Comte Olaf, s’en donne à cœur joie. Parfois au bord du cabotinage, il parvient à créer un personnage peut-être un peu moins méchant que le vrai, mais infiniment drôle, dans une atmosphère par ailleurs beaucoup plus grave que dans les livres, comme si l’humour distillé au fil des pages de Lemony Snicket se trouvait ici concentré sur un seul personnage.
Si Brad Silberling a su avec génie déjouer les pièges du casting et des décors, le scénario laisse un peu plus sceptique. Difficile de réduire à 1h40 trois tomes de cette richesse, qui de surcroît mettent en place les bases de l’histoire, les énigmes que les orphelins devront résoudre. Les indices sont semés, au fil du film, sans que les pistes soient toujours suivies jusqu’au bout. On attend la suite, bien sûr, qui est ici manifestement préparée, mais certains thèmes auraient mérité d’être mieux exploités, particulièrement les liens qui unissent les enfants et leur douleur d’orphelins, et surtout leurs compétences qui vont les aider à vaincre. La boulimie de lecture de Klaus est tout juste effleurée, et le réalisateur s’est tenu à une distance très prudente des redoutables quenottes de Prunille. Les non-initiés auront peut-être plus de mal à s’y retrouver, les autres se laisseront prendre au bonheur de voir sur l’écran leur imaginaire intact, la satisfaction de n’avoir pas été trahis.
Au fait, on ne sait toujours pas pourquoi Klaus n’a plus de lunettes !