Le 23 mai 2025
Une satire insolite de l’intrusion dans nos vies privées par un cinéaste spécialiste des failles de la société japonaise. Un long métrage intéressant même s’il n’est pas le meilleur de son auteur.


- Réalisateur : Kōji Fukada
- Acteurs : Erika Karata, Kyōko Saitō, Yuki Kura, Kenjiro Tsuda
- Genre : Drame, Film de procès
- Nationalité : Japonais
- Distributeur : Art House Films
- Durée : 2h04mn
- Titre original : Renai saiban
- Date de sortie : 4 février 2026
- Festival : Festival de Cannes 2025

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– Festival de Cannes 2025 : Sélection officielle, Cannes Première
Résumé : Jeune idole de la pop en pleine ascension, Mai commet l’irréparable : tomber amoureuse, malgré l’interdiction formelle inscrite dans son contrat. Lorsque sa relation éclate au grand jour, Mai est traînée par sa propre agence devant la justice. Confrontés à une machine implacable, les deux amants décident de se battre, non seulement pour leur avenir, mais pour défendre le droit le plus simple et le plus universel : celui d’aimer.
- © Festival de Cannes 2025
Critique : Les films de Kōji Fukada s’inscrivent dans la mouvance des cinémas de Hirokazu Kore-eda et Ryūsuke Hamaguchi, même s’il reste moins célébré par la cinéphilie internationale. Le réalisateur avait été révélé par Harmonium qui brisait le mythe de l’ordre social via la chronique psychologique et le thriller onirique. Et s’il avait déçu avec Le soupir des vagues, Fukada s’était surpassé avec L’infirmière, subtilement machiavélique, avant de confirmer sa singularité avec le séduisant diptyque Suis-moi je te fuis / Fuis-moi je te suis puis le mélodrame Love Life. Plus modeste, Love on Trial n’en est pas moins fidèle à l’univers du réalisateur qui semble prendre un malin plaisir à peindre les travers et les failles de la société japonaise et, partant, de notre monde. Le cinéaste pointe ici l’absurdité vers laquelle peuvent mener certaines règles, contraires aux principes moraux fondamentaux. Mai (interprétée par la délicate Yuki Kura) est une jeune idole montante de la musique pop. Sa vie bascule lorsqu’elle a la mauvaise idée de trouver le grand amour. En effet, la société qui l’a recrutée avait précisé par contrat que Mai ne devait pas tomber amoureuse ou se mettre en couple, a fortiori avec l’un de ses fans. Attaquée en justice par son employeur, et confrontée à une procédure implacable, la jeune femme, se sentant fautive dans un premier temps, va peu à peu tout mettre en œuvre pour défendre son avenir et ses valeurs…
- © 2025 Kōji Fukada / Art House. Tous droits réservés.
Le canevas de base peut sembler fantaisiste et irréaliste. Il est pourtant inspiré de plusieurs affaires ayant défrayé la chronique judiciaire au Japon. Au nom d’une pureté des artistes jugée nécessaire par les managers, sous prétexte qu’une vie de couple désacraliserait une star et trahirait ses fans, ce genre de clauses inappropriées a pu être appliquée par des producteurs, et concernant exclusivement des femmes... Fukada précise à ce sujet dans le dossier de presse : « Je souhaitais révéler à travers ce film les profondes inégalités de genre et les injustices de la société japonaise dominée par les hommes. Le mouvement #MeToo en Amérique et en Europe a révélé l’universalité de ce problème. Bien que le film porte sur la culture japonaise des idoles, qui présente de nombreux aspects spécifiques, je ne doute pas qu’il résonnera dans de nombreux pays ». Les intentions sont louables et le long métrage a le mérite de ne pas dérouler les options du film à thèse ou les conventions du produit engagé mainstream.
- © 2025 Kōji Fukada / Art House. Tous droits réservés.
L’injustice dont est victime Mai est traitée sur un ton qui oscille entre l’ironie pince-sans-rire et la description au scalpel d’un certain milieu musical, à l’instar du décalage entre l’ambiance rose bonbon des clips musicaux et l’intérieur austère et froid de bureaux occupés par des décideurs mâles impitoyables. En fait, la jeune femme pourrait être une nouvelle incarnation du personnage-titre de L’infirmière, par le contraste entre le dévouement d’une figure féminine et l’ingratitude dont fait part la société à son égard. En filigrane, le cinéaste égratigne aussi les réseaux sociaux numériques qui amplifient les rancœurs et lynchages (Mai traînée dans la boue par des ex-fans). Reste que Love on Trial manque parfois de rythme et que le récit frôle l’enlisement, l’anecdote et le procédé répétitif l’emportant parfois sur la profondeur et la fluidité narrative. Le film n’en demeure pas moins à voir pour ses questionnements contemporains tout autant que sa cohérence avec les œuvres antérieures du cinéaste. On attend maintenant de sa part un projet débouchant sur un long métrage véritablement à la hauteur de son immense talent.
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