Marie Stuart, reine d’Ecosse - la critique du film

Copyright Universal Pictures France

Notre avis : « Marie Stuart est probablement la plus connue des souverains écossais, en grande partie à cause de son destin tragique », nous rappelle Wikipédia. C’était dans cette direction que nous emmenait le film de John Ford, en 1936, qui présentait la jeune reine, certes sous les traits de Katharine Hepburn (déjà trentenaire à l’époque), dans sa position bien connue de victime des complots machiavéliques de sa cousine Elisabeth. Depuis, tandis que de nombreux biopics ont permis de développer ce fameux destin mû par cette rivalité sanguinaire, l’historien John Guy a consacré un livre décrivant la monarque comme étant avant tout manipulée par les complots patriarcaux de sa cour.
Quinze ans plus tard, ce changement de paradigme est le sujet d’un long-métrage que les producteurs ont choisi, afin d’en souligner le caractère féministe, de confier à une célèbre directrice artistique d’un théâtre londonien. Ce ne sont donc pas deux, mais trois femmes qui animent cette reconstitution historique, et autant dire que l’approche est aux antipodes de celle du récent La Favorite, comédie grinçante filmée par un homme, auquel les sujets communs et dates de sortie rapprochées vont rendre les comparaisons inévitables.

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Même si la promotion insiste sur la rivalité entre les « Deux Reines, deux nations, une Terre » (dixit la tagline sur l’affiche) et la présence des deux magnifiques actrices (que Margot Robbie se soit enlaidie pour endosser le rôle semble avoir échappé aux distributeurs !), le long-métrage de Josie Rourke fait surtout le pari d’inventer un épisode que tous les historiens un tant soit peu méticuleux auraient dénigré : une entrevue entre les deux reines, qui dans la réalité ne se sont jamais rencontrées.
C’est au cours de cette scène –qui, soit dit en passant, profite de la mise en scène la plus éblouissante du film– que les dialogues entre ces deux femmes, les plus puissantes de Grande-Bretagne et probablement de toute l’Europe, nous assurent que leur coexistence aurait pu être bien plus pacifique si elle n’avait pas été parasitée par les hommes qui les entouraient. Cette façon d’imaginer leur rivalité comme un outil exploité par des instigateurs malintentionnés renvoie le drame de ces deux personnalités fortes aux combats contemporains du féminisme qui reprend le combat.

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Au milieu des magnifiques paysages écossais et des nombreux sites historiques filmés via de larges plans aériens, le film entier semble converger vers cette confrontation de visu parfaitement imaginaire. C’est ce qui apparaît de la dramaturgie dans sa globalité, qui multiplie les événements, laissant le spectateur appréhender ce moment comme tumultueux et violent. Un dispositif qui se veut démonstratif -peut-être dans la droite lignée de l’académisme de la mise en scène aux influences ouvertement théâtrales- mais qui a pour inévitable conséquence de multiplier les ellipses, jusqu’à empêcher l’approfondissement des enjeux géopolitiques, religieux et familiaux les plus conflictuels.
Grâce à l’intensité que Saoirse Ronan et Margot Robbie donnent à leurs deux rôles, cet antagonisme à distance est parfaitement porté à l’écran. C’est assurément leur prestation que l’on retiendra du film car, malgré la construction scolaire, le scénario ne se donne pas la peine de développer les nombreuses sous-intrigues qu’il aborde. Mieux vaut alors bien connaitre ses bases (avoir lu le livre éponyme de John Guy plutôt que la page Wikipédia !) pour pleinement apprécier l’influence de chacun des personnages venimeux qui gravitent autour des deux reines. Mais inutile de se prétendre expert en Histoire britannique pour profiter des magnifiques images et du discours féministe qui se dégage du parcours de ces deux femmes dont il apparaît, avec 450 ans de recul, qu’elles étaient loin d’être aussi libres que ce que la littérature et le cinéma nous ont fait croire jusqu’ici.