Le 13 juin 2025
Christian Petzold est fidèle à sa thématique de l’identité et propose un récit prenant sur une étrange recomposition familiale.


- Réalisateur : Christian Petzold
- Acteurs : Matthias Brandt, Paula Beer, Enno Trebs, Barbara Auer, Philip Froissant
- Nationalité : Allemand
- Distributeur : Les Films du Losange
- Durée : 1h26mn
- Date de sortie : 27 août 2025
- Festival : Festival de Cannes 2025

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Résumé : Lors d’un week-end à la campagne, Laura, étudiante à Berlin, survit miraculeusement à un accident de voiture. Physiquement épargnée mais profondément secouée, elle est recueillie chez Betty, qui a été témoin de l’accident et s’occupe d’elle avec affection. Peu à peu, le mari et le fils de Betty surmontent leur réticence, et une quiétude quasi familiale s’installe. Mais bientôt, ils ne peuvent plus ignorer leur passé, et Laura doit affronter sa propre vie.
Critique : Présenté à la Quinzaine des Cinéastes 2025, Miroir No. 3 est le onzième long métrage de Christian Petzold. Le réalisateur a su bâtir en quelques décennies une œuvre cohérente et séduisante, de Contrôle d’identité au Ciel rouge. Dans ses meilleurs films, il a particulièrement développé les thèmes de la nouvelle identité ou du double : c’est une jeune femme voulant passer de la RDA à la RFA dans Barbara : cette autre rescapée d’Auschwitz dans Phoenix, et tentant de se reconstruire dans tous les sens du terme ; ou encore cette Ondine dont l’identité et les agissements renvoient à l’Allemagne du XXIe siècle, et au rapport avec son passé. Point d’ancrage historique dans Miroir No. 3 et un contexte somme toute atemporel, pour un récit qui voit deux femmes croiser leurs destinées. Il faut un bon quart d’heure pour saisir les enjeux de la trame, Petzold ayant préféré démarrer sa narration par une tonalité mystérieuse, qui pourrait laisser croire à une histoire semi-onirique. Il précise ainsi dans le dossier de presse : « Au début, nous ne savons absolument rien. Nous avons des signes et tentons de les déchiffrer. Nous entendons une ville très bruyante, les voitures passent en trombe à côté de Laura, laissant échapper des bouffées de musique. Nous voyons une jeune femme sur ce pont très moche près de l’autoroute (…) Et la jeune femme en question ne parle pas, elle n’a pas de tempo particulier, elle est simplement présente à elle-même. J’aime bien ça quand les films, au début, sont d’abord là pour eux-mêmes et n’ont pas besoin de nous en tant que spectateurs ».
- © 2025 Schramm Film. Tous droits réservés.
Le récit devient ensuite davantage explicite lorsque Laura (Paula Beer, fidèle du réalisateur) échappe presque miraculeusement à un accident de voiture qui a vu la mort de son compagnon, avec lequel elle semblait en voie de rupture. Betty (Barbara Auer), une femme plus âgée qui réside près du drame, vient à son secours et appelle une ambulance. Laura exprime son souhait de rester quelque temps chez Betty, qui se montre d’une extrême bienveillance envers la jeune femme qu’elle va héberger et protéger. L’intrusion dans la narration de l’époux et du fils de Betty va rendre encore plus équivoque et étrange une recomposition familiale derrière laquelle semble caché un lourd secret… Privilégiant les non-dits davantage que les passages explicatifs, les allusions plutôt que le ton psychologique, Christian Petzold réalise une chronique envoûtante qui rappelle l’ambiance de ses longs métrages précédents.
- © 2025 Schramm Film. Tous droits réservés.
Le recours à la mythologie ainsi que les références au Mépris de Godard, à la littérature de Kleist ou la peinture de Böcklin ne sont pas que de simples coquetteries intellectuelles ou artistiques chez un cinéaste qui témoigne d’un véritable sens de la mise en scène : on retiendra à cet égard plusieurs séquences admirables, comme le premier repas entre les quatre protagonistes, d’un discret humour pince-sans-rire, à la fois absurde et touchant ; ou ces échappées en voiture ou en vélo qui font craindre le pire, après la brutalité de l’accident initial. Pourtant, il est permis de trouver le dispositif glacé et distant, tant Petzold refuse délibérément de jouer la carte de la rationalité ou de la manipulation policière. En même temps, le retournement narratif, qui apparaît aux deux tiers du long métrage, casse quelque peu l’ambiguïté de situations que chacun était libre d’interpréter à sa guise. Cette écriture en porte-à-faux, qui est sans doute un dilemme d’écriture initial, demeure l’unique réserve que nous formulerons à l’encontre d’un film ambitieux, d’une indéniable qualité, et interprété à la perfection.
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