Le 8 décembre 2025
Alfred Döblin (1878-1957) raconte l’histoire future de l’humanité. Il construit une série de sociétés dystopiques qui se créent et s’effondrent au fil des siècles. En brassant les catastrophes qui pourraient impacter l’humanité, il fait apparaître dans ce roman de 1924 nombre d’événements qui se sont réellement produits au cours du XXe siècle.
- Auteur : Alfred Döblin
- Collection : Du monde entier
- Editeur : Gallimard
- Genre : Science-fiction
- Nationalité : Française
- Traducteur : Michel Vanoosthuyse
- Date de sortie : 2 octobre 2025
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur
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Résumé : « Monts, mers et géants » débute après la Première Guerre mondiale où hommes et femmes se relèvent difficilement de ce massacre international. Mais la vie reprend son cours, de nouvelles créations de l’esprit voient le jour : rayons invisibles, immenses mégalopoles... Mais l’humanité n’est qu’au début de ses peines, car les siècles à venir lui réservent des retournements imprévisibles.
Critique : Alfred Döblin dépeint un sombre tableau de l’histoire humaine, ou plutôt de son avenir. Il raconte l’évolution de notre espèce en traversant les siècles, s’arrêtant parfois sur des événements marquants, des personnalités politiques ou de simples individus jetés dans la machine de l’Histoire. Marduk, Kylin, Venaska, Delvil, Melise, autant de noms ayant laissé leur empreinte dans le monde de ce roman s’étirant du vingtième au vingt-quatrième siècle. Nous vivons certaines de ces époques avec des personnages, que nous perdons quand l’intrigue avance d’un bond dans le progrès à outrance. Alfred Döblin reste flou sur le fonctionnement technique de ces inventions, il détaille leurs effets prodigieux, et même étonnants. Nous sommes donc loin de la hard science qui s’appuie sur des faits scientifiques pour anticiper demain, Alfred Döblin lâche les avancées de la recherche technologique et part sur l’idée qu’à un moment, l’impossible sera juste possible et nourrit ainsi l’imaginaire de son récit.
Si l’Afrique, l’Asie et l’Amérique ont un rôle, la majorité des événements se déroule en Europe et a un impact sur le reste de la planète. Alfred Döblin envisage tout : nouvelle guerre mondiale, ravage de la famine, mégalopoles qui dirigent le monde, leaders politiques de plus en plus éloignés des réalités, révolte des femmes, populations brûlées, nature ravagée, nourriture de synthèse, conseils de dirigeants inefficaces, retour à la nature, destruction de pays (rappelant la bombe atomique), mutations génétiques. L’homme et la femme développent leurs sociétés, innovent avec des armes destructrices, vont au bout de leurs idées pour soumettre la planète à leur volonté sans envisager les conséquences, lourdes pour le reste de la population et cette pauvre Terre. Comme Alfred Döblin brasse un ensemble des dérives potentielles de ce monde devenu fou, il touche forcément juste et met en scène certains des changements ayant marqué le siècle dernier.
Le romancier raconte un monde qui court à sa perte et nous fait prendre conscience de l’ampleur des dégâts que nos sociétés pourraient provoquer si tout leur était possible. Il nous offre une fresque baroque s’étalant sur des siècles, où chaque renversement de pouvoir amène à une crise plus grave. Il décrit une spirale infernale incroyable, dantesque, s’achevant sur une fin curieuse, pouvant être perçue, peut-être, comme porteuse d’espoir. Mais seul l’écrivain a la réponse à cette question.
Pour cette épopée grandiose et chorale, Alfred Döblin use d’un style puissant et original. Il s’affranchit souvent des conjonctions de coordinations et des virgules pour enchaîner les noms communs, créant un fleuve de mots reflétant les flux d’émotions des personnages ou la brutalité des événements. Il peut opérer de même avec les verbes, donnant à voir une masse d’action parallèles, complémentaires ou encore liées qui se déroulent sous nos yeux. À côté de ce style particulier, Alfred Döblin écrit des dialogues plein d’emphases. Ses personnages s’expriment continuellement de manière presque lyrique, prenant à témoin ceux ou celles à qui ils s’adressent. Les expressions, les tirades interrogatrices, les affirmations jetées à la face de l’autre traversent les siècles. Comme si chacun, avec sa propre vision des choses, tout en se différenciant, n’était que le fruit des générations passées, des pensées anciennes qui se perpétuaient dans les tournures et les manières de s’exprimer.
Le romancier présente ses échanges sans les classiques tirets. Il enchaîne les répliques entre guillemets, souvent sans même aller à la ligne, mêlant parfois des dialogues au texte. Cette mise en page casse le lyrisme et crée des échanges tout aussi bouillonnants que les descriptions de l’auteur.
On est tout d’abord désarçonné par cette forme d’écriture avant de s’habituer petit à petit et de se laisser emporter par ce roman-fleuve qui nous plonge loin dans le cœur de l’espèce humaine. Notons le travail de traduction de Robert Vanoosthuyse qui a eu la lourde tâche de rendre en français ce style très particulier.
608 pages – 26 €
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