Le 20 mai 2025
Si la caméra de Sylvain George s’évertue à puiser dans ces figures d’exil cabossées par la vie une opportunité à faire de l’art, l’intention du réalisateur, moins ethnologique que photographique, est difficile à cerner. Une œuvre sincère, sensible mais ambiguë.
- Réalisateur : Sylvain George
- Genre : Documentaire, Noir et blanc
- Nationalité : Français, Suisse, Portugais
- Distributeur : Noir Production
- Durée : 3h03mn
- Date de sortie : 5 novembre 2025
- Plus d'informations : Le site du distributeur
- Festival : Festival de Locarno 2023, Festival de Cannes 2025, ACID Cannes 2025
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– Sortie en salle : 5 novembre 2025 dans le cadre de la trilogie "Nuit obscure" avec Nuit obscure - Feuillets sauvages (Les brûlants, les obstinés) (premier volet) et Nuit obscure - « Ain’t I a child ? » (troisième volet)
Résumé : NUIT OBSCURE montre le parcours de jeunes exilés dans les nuits de Paris. Entre gestes furtifs et présences vibrantes, il esquisse une jeunesse comme puissance d’être, et fait surgir, dans le silence et la durée, d’autres manières d’habiter le monde.
Critique : On connaît de la tour Eiffel les grandes allées majestueuses que les touristes arpentent du matin au soir. On sait moins que dans ces parcs, à deux pas du Trocadéro, vivent et dorment des mineurs isolés, venus du Maghreb en bateau de fortune. Les jeunes passent leur journée à voler, soigner leur squat et refaire un monde qui ne veut pas d’eux. Dans cette extrême précarité, évidemment inconciliable avec la promesse d’égalité, de fraternité et de liberté en France, la drogue n’est jamais loin. Les gamins vivent dans la crasse, le dénuement le plus total et l’ennui est perceptible dans chacune des scènes où on les regarde (sur)vivre.

- Copyright Noir Production
Le seul moment de couleur apparaît au début où l’on voit ces grappes de jeunes gens, dans le bateau, se réjouir d’aborder les côtes européennes. La promesse d’une vie meilleure s’estompe tout de suite dans un noir et blanc splendide qui témoigne alors d’une existence pétrie de solitude, misère extrême et désarroi. La caméra va jusqu’au bord des corps, des visages, des mains, où l’on perçoit les cicatrices laissées par leur parcours. Les filles sont absentes et ils tentent de s’organiser dans une solidarité factice, s’échangeant des plans d’hôtel ou partageant les squats qui se répandent sous les ponts de la capitale.
Le spectateur n’a de cesse de s’interroger pendant trois heures sur les intentions du réalisateur. L’image est absolument magnifique, la lumière éclabousse les visages qui sont rongés par la nuit et les plans fixes qui s’intercalent demeurent d’une grande beauté. Alors, quel est le but de soigner autant la photographie et le cadrage pour mettre sur un écran des jeunes gens dans la pauvreté la plus sombre ? Ils n’hésitent pas à se vanter de leurs voles, échangent sur leurs combines, dont on sait qu’elles ne sont que de piètres substituts à leur existence sordide. La beauté de l’image élève un peu ces jeunes dans une dimension esthétique qui tranche avec la réalité de leur vie, faite d’arrestations, d’activités délinquantes et d’isolement affectif. On pense dans la technique utilisée par le documentariste au triptyque sur la jeunesse ouvrière chinoise de Wang Bing Jeunesse (le printemps), sinon que l’intention du réalisateur chinois était clairement de dénoncer les conditions de travail de ses protagonistes, là où celle de Sylvain George est moins explicite. Ici, le propos plus esthétisant qu’informatif, brouille les lignes et les intentions.

- Copyright Noir Production
Nuit obscure - Au revoir ici n’importe où est un film à ne pas montrer à tous les yeux, ne serait-ce que si certains étaient tentés par des idées radicales ou extrémistes. En effet, le témoignage des jeunes, unis par une solide amitié, rend compte de parcours d’exil pour le moins ratés, qui les enferment dans une insertion sociale et professionnelle qui sera de plus en plus difficile. On peine à penser comment on peut survivre dans ces taudis de fortune, en dehors de la force qu’ils trouvent dans ces échanges dérisoires et désespérés. L’échec des politiques d’accueil des migrants, de surcroît mineurs, est évident dans ce documentaire qui hélas ne devrait pas encourager les électeurs nationalistes à les réconcilier avec ce problème humanitaire majeur.
Syvain George n’est pas un novice dans le cinéma expérimental urbain qui va à la rencontre des migrants. Son œuvre témoigne d’un militantisme sans faille qui prend le risque d’une parole anticonformiste. La poétique de sa langue cinématographique tranche avec la gravité de ces destins que les pays européens maltraitent dans des no man’s Land institutionnels. Paris perd de sa magie dans ces figures marginales qui survivent la nuit dans des bois froids ou des parcs sauvages. On en voudrait presque au réalisateur qui filme sciemment ces jeunes hommes dormir et manger dans l’humidité, sans bouger, à moins que finalement son but le plus profond est d’inviter les spectateurs à leur tendre la main.
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