Le 21 septembre 2025
Cinglant, frontal et terriblement fantasque, Oui fait l’effet d’une bombe visuelle, sonore et politique.
- Réalisateur : Nadav Lapid
- Acteurs : Naama Preis, Efrat Dor, Ariel Bronz, Aleksey Serebryakov, Sharon Alexander, Pablo Pillaud-Vivien, Idit Teperson, Shira Shaish
- Genre : Drame, Politique
- Nationalité : Israélien, Français, Allemand, Chypriote
- Distributeur : Les Films du Losange
- Durée : 2h31mn
- Titre original : Yes
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans avec avertissement
- Date de sortie : 17 septembre 2025
- Festival : Festival de Cannes 2025
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Résumé : Israël au lendemain du 7 octobre. Y., musicien de jazz précaire, et son épouse Jasmine, danseuse, donnent leur art, leur âme et leur corps aux plus offrants, apportent plaisir et consolation à leur pays qui saigne. Bientôt, Y. se voit confier une mission de la plus haute importance : mettre en musique un nouvel hymne national.
Critique : C’est l’histoire terrifiante d’un poème en hébreu qui, traduit en russe puis de nouveau en hébreu, devient un macabre message de propagande d’un groupe d’extrême droite en faveur de la disparition totale de Gaza. Y. qui arpente avec son épouse les soirées mondaines de Tel-Aviv, où tous les deux se répandent dans l’alcool, la gesticulation érotique et la débauche. Pourtant, régulièrement, leur téléphone portable leur rappelle les morts quotidiens en Palestine que le gouvernement israélien minimise. Et justement, voilà qu’un sombre oligarche russe confie à Y. la difficile mission de mettre en musique ce qui reste de cet hymne national.
Nadav Lapid emporte ses spectateurs à quelques encablures de la guerre, sous le soleil lustrant de Tel-Aviv où la population semble avoir oublié qu’à quelques centaines de kilomètres, tous les jours, des femmes, des hommes et des enfants perdent la vie sous les bombes israéliennes. On ne peut pas dire que le cinéaste israélien est antisémite, et pourtant, il se permet d’afficher ce que de très nombreux juifs osent dénoncer, sans risquer d’être catalogués comme racistes. Le film ouvre enfin une autre voix, libérée, que celle de Benyamin Netanyahou qui, à force de justifier la barbarie, empêche les avis contraires de s’élever contre le massacre de tout un peuple, et rendre justice aux victimes juives et palestiniennes d’un conflit sans issue. Oui emprunte ainsi un discours très subtil, qui justement refuse une politisation ouverte du récit. Au contraire, le scénario s’aventure dans une suite d’images très stylisées, où les musiques, couleurs et l+sons abondent à la façon d’un clip sur grand écran. Les deux protagonistes semblent eux-mêmes leur propre caricature tant ils sont pétris d’insouciance et de désinvolture, jusqu’au moment où ils sont confrontés à la réalité d’un texte, ouvertement brutal, odieux et sans nuance.

- Copyright Les Films du Losange
Le titre Oui est d’une incroyable intelligence. Ces trois lettres à elles seules racontent le libre arbitre du peuple juif qui a le droit de défendre celles et ceux qui ont subi la cruauté du Hamas et en même temps de refuser les exactions commises sur le territoire gazaoui en dehors de toute réglementation internationale. Le long métrage trouve son apogée dans cette séquence absolument surréaliste où le héros grimpe la montagne de l’Amour permettant de regarder les bombes qui s’abattent sur Gaza. On apprend d’ailleurs avec effroi que des touristes vont jusqu’à pique-niquer sur le mont afin de contempler la guerre qui broie des vies humaines. La mise en opposition de la barbarie guerrière et des fêtes gigantesques sur la côte méditerranéenne apparaît de manière nette, évidente, comme une invitation à prendre de la hauteur sur un monde qui ne parvient plus à discerner le bien du mal et à inventer une solution durable en faveur des peuples en guerre. La grande réussite de Oui demeure sa capacité à réconcilier des nations et des citoyens dans une idéologie foncièrement humaniste et pacifiste.

- Copyright Les Films du Losange
Le film dégage une énergie aussi électrisante que désespérée. La musique est quasi permanente avec, en contre-fond, des paroles d’une grande profondeur sur le sens de la vie et la mort. Voilà une œuvre qui pendant deux heures trente prend le temps de filmer la transformation d’un individu prenant conscience du massacre humain se déroulant presque sous ses yeux, et dont il a une certaine part de responsabilité. Le passage d’une identité à l’autre bouleverse tous les équilibres du couple, de la vie sociale, dans un fracas de larmes et de regrets.
Oui est d’une grande habileté scénaristique. Le film ne se prend jamais au sérieux, grâce à des dialogues fantaisistes ou des scènes totalement décalées, tout en traitant un matériau grave. Le propos en est d’autant plus convaincant qu’il aborde la question israélo-palestinienne sans pathos excessif, ni banalisation de l’horreur. La narration s’enroule dans une tonalité punk où la couleur, les sons et les jeux d’image sont convoqués à grands cris. On espère en secret que les spectateurs, en sortant de la salle, sauront trouver une voix commune en faveur de la paix des peuples, quelle que soit leur appartenance culturelle et idéologique.
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