Le 12 février 2025
Une œuvre magnifiquement filmée sur les vertiges de la relation père-fille, qui donnent à penser toute l’histoire du septième art.


- Réalisateur : Francesca Comencini
- Acteurs : Fabrizio Gifuni, Romana Maggiora Vergano, Anna Mangiocavallo, Monterosi Daniele
- Genre : Drame, Film pour ou sur la famille
- Nationalité : Français, Italien
- Distributeur : Pyramide Distribution
- Durée : 1h50mn
- Titre original : Il tempo che si vuole
- Date de sortie : 12 février 2025
- Festival : Festival de Venise 2024

L'a vu
Veut le voir
Résumé : Un père et sa fille habitent les mondes de l’enfance. Il lui parle avec respect et sérieux, comme à une grande personne, l’entraîne dans des univers magiques débordants de vie et d’humanité. Il est le grand cinéaste de l’enfance et travaille sur "Pinocchio". Un jour, la petite fille devient une jeune femme et l’enchantement disparaît. Elle comprend que la rupture avec l’enfance est inéluctable et a le sentiment qu’elle ne sera plus jamais à la hauteur de son père. Alors elle commence à lui mentir et se laisse aller, jusqu’au bord du gouffre. Le père ne fera pas semblant de ne pas voir. Il sera là pour elle, tout le temps qu’il faut.
Critique : Comment s’émanciper de son père, lorsque celui-ci a été un cinéaste italien très important, et de surcroît conservateur de films du patrimoine cinématographique ? Voilà sans doute la question que se pose tout artiste dont les aînés cultivent derrière eux une œuvre ambitieuse et reconnue. C’est en tout cas l’enjeu de Francesca Comenici, dont le papa Luigi a laissé une empreinte notable dans l’histoire du septième art, raison pour laquelle elle s’engage dans une autofiction qui à la fois offre un regard décalé sur cette expérience, et lui permet, à plus de soixante ans, enfin de s’extraire enfin du souvenir du père et d’exister définitivement comme réalisatrice. Car ce film, en sus de constituer une œuvre qui réinvente la mémoire des évènements, offre une matière cinématographique absolument merveilleuse donnant la possibilité à la réalisatrice d’affirmer un style, une vision esthétique qui la libère définitivement des traces de son père.
- Copyright Pyramide Distribution
Pour autant, Francesca Comencini inscrit son récit dans la référence à l’histoire du cinéma, et notamment du muet. Elle insère dans sa narration des extraits qui d’une part, mobilisent sa fiction dans la continuité de cent cinquante ans de cinéma, et d’autre part donne à penser la manière dont le septième art ouvre des fenêtres sur la réalité. On est donc en face d’un travail très abouti, où les références cinématographiques constituent une matière filmique qui témoigne de l’importante culture de la réalisatrice, et de la manière dont ses sœurs et elles se sont construites dans la continuité d’un art dont le père était l’artisan et le conservateur.
Rarement on ne voit sur les écrans un tel soin apporté au cadrage, à la photographie, à la lumière. À l’heure où peu à peu les publics substituent au grand écran la consommation de séries ou de films sur des plateformes, Francesca Comencini offre une œuvre qui n’a d’intérêt qu’à être appréhendée sur un grand écran. Le travail sur les flous, les couleurs, témoignent d’une réflexion importante sur la meilleure manière de penser la magie du réel. Chaque plan est extrêmement pensé, auquel s’ajoute un montage assez dépouillé mais d’une grande précision, qui apporte à la narration une subtile synthèse entre le réalisme et l’onirisme que la mémoire de l’artiste restitue.
- Copyright Pyramide Distribution
Le film a été présenté à la Mostra de Venise hors compétition. On ne peut que regretter que cette œuvre n’ait pas pu bénéficier d’un prix, ce qui aurait permis à la réalisatrice de s’émanciper totalement des pas de son père, bardé de récompenses. Une scène du film d’ailleurs permettant de décrire la manière dont l’apprentie cinéaste accouche d’un langage narratif et symbolique qui lui est personnel, la représente sortant d’un festival ou d’une école de cinéma avec un prix qu’elle affiche à la télévision. Et le père de rêver qu’elle accompagne sa récompense d’un sourire. Car cette œuvre rayonne bien au-delà des intentions de la réalisatrice, dans une matière esthétique qui intègre et dépasse à la fois cent cinquante ans d’histoire du cinéma.
"D’abord la vie ! Le cinéma après" s’écrie le réalisateur au milieu d’un tournage. La mauvaise foi est évidente, car pour parodier Rimbaud, on comprend bien en considérant le travail des deux cinéastes dans la vie et sur l’écran, que l’existence devient véritable quand elle est transcendée par la création artistique. Prima la vita constitue un hommage puissant au travail des artistes qui ne pourraient pas être au monde sans leur rapport à l’œuvre et la création en général. Ce film apparaît beaucoup plus important qu’il n’en paraît dans la mesure où il offre une lecture historique, fictionnelle, sociologique sur les impacts du cinéma sur la vie. Et la question véritable que pose Francesca Comencini, au-delà de son émancipation au père, illustre à sa manière le célèbre aphorisme de Jean Cocteau : "Je suis un mensonge qui dit toujours la vérité", brouillant ainsi la frontière sensible entre le réel et l’imagination.
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.