Epices amères
Le 29 septembre 2004
Un roman fleuve qui oscille en permanence entre ironie et désespoir.
- Auteur : Monica Ali
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Premier roman de Monica Ali, Sept mers et treize rivières raconte la difficile intégration d’une famille bangladaise dans un quartier londonien. Un roman fleuve qui oscille en permanence entre ironie et désespoir.
La nouvelle coqueluche des lettres anglaises s’appelle Monica Ali. Son premier roman, Brick Lane, devenu Sept mers et treize rivières dans la traduction française, a fait l’unanimité parmi les critiques et a même été en lice pour le Booker Prize 2003. La raison de ce succès tient sans doute au fait qu’elle a su parler des problèmes de l’immigration, de l’intégration et de la tolérance, sans jamais verser dans le pathos pleurnichard, mais en gardant un regard critique et aiguisé. Et surtout, parce qu’elle parle de quelque chose qu’elle connaît.
Au centre de cette histoire, il y a Nazneen, une jeune femme d’origine bengalie née au Pakistan qui se retrouve mariée contre son gré à Chanu, un homme choisi par son père. Le couple habite à Londres, dans un quartier réservé aux immigrés et aux plus démunis. Ensemble, ils vont avoir deux petites filles. A quarante ans, Chanu a des ambitions et des rêves de grandeur. Faire fortune et repartir au pays, voilà tout ce qu’il souhaite pour les siens. Mais Chanu est un beau parleur, un homme qui subit plus qu’il n’agit et se berce d’illusions inaccessibles. Gardien des traditions ancestrales, il interdit à Nazneen de s’habiller à la mode anglaise et de sortir seule.
Peu à peu, leur situation va se dégrader, leur quartier sombrer dans la misère et l’islamisation, leurs dettes s’accumuler. Alors, c’était ça le fameux pays dont tout le monde parle ? Un pays où le regard de ses compatriotes n’est jamais aussi critique que quand Nazreen tente de s’intégrer au cœur cette terre promise, pleine de richesses et de liberté. Où finalement, tout est joué d’avance et où s’en sortir relève de l’impossible.
Monica Ali s’est donné pour but d’emporter le lecteur dans son histoire comme une lame de fond emporte un navire. Brutalement, violemment, brisant le destin de ses personnages comme la coque d’une embarcation fragile. S’extraire de la misère, même bardé de la meilleure volonté, exige des sacrifices impossibles. Comment s’intégrer dans un pays dont on ne parle pas la langue ? Comment gagner un minimum d’argent quand il n’y a pas de travail pour ces immigrés emmurés dans leurs ghettos ? Comment s’en sortir quand vos enfants sont confrontés à la drogue et la délinquance ? Paradoxalement, ce récit est vivant, fourmille de dialogues savoureux et de scènes pleines d’humour. Assurément, il s’agit d’un très joli portrait de femme, prête à tout pour conquérir son émancipation et sa liberté. Un roman au parfum doux amer, au même senteurs que ces plats épicés qui, avant de brûler la gorge, laissent une saveur incomparable dans la bouche.
Monica Ali, Sept mers et treize rivières (Brick Lane, traduit de l’anglais par Isabelle Maillet), Belfond, 2004, 463 pages, 20,60 €
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