Le 21 mai 2025
Cynique, attachant et formidablement touchant, ce conte colombien sur un poète en mal d’existence est une vraie bonne surprise de la sélection cannoise.


- Réalisateur : Simón Mesa Soto
- Acteurs : Ubeimar Rios, Rebeca Andrade, Guillermo Cardona, Allison Correa
- Genre : Drame
- Nationalité : Allemand, Suédois, Colombien
- Distributeur : Épicentre Films
- Durée : 2h00mn
- Titre original : Un poeta
- Festival : Festival de Cannes 2025

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– Festival de Cannes 2025 : Sélection officielle, Cannes 2025
– Cannes 2025 : Prix du Jury Un Certain Regard
Résumé : L’obsession d’Oscar Restrepo pour la poésie ne lui a pas apporté la gloire. Fantasque et vieillissant, il a succombé au cliché du poète maudit. La rencontre avec Yurlady, une adolescente aux origines modestes en qui il voit un potentiel grandissant, apporte un peu de lumière à son quotidien. Mais l’entraîner dans le monde des poètes n’est peut-être pas la meilleure voie à suivre.
Critique : Voilà un film qui ne paye pas de mine. Il raconte l’histoire d’un poète qui a du mal à exister en tant qu’artiste, et on peut dire à exister tout court. Il habite avec sa mère, est incapable d’exercer une activité professionnelle et se complaît dans une mélancolie qu’il voudrait transformer en poésie. Il a publié, il y a longtemps maintenant, deux recueils qui ne lui ont pas apporté le succès qu’il voulait ; alors, bon an mal an, il accepte de travailler comme enseignant dans un lycée. Et c’est là que la magie commence puisqu’il fait la connaissance d’une collégienne, très douée en poésie, qu’il va essayer de promouvoir à un festival organisé dans sa ville.
- Copyright Epicentre Films
Le second long-métrage de Simón Mesa Soto a d’intéressant qu’il développe un récit peu habituel au cinéma, celui d’un dandy en mal de reconnaissance, qui tente de redonner goût à la poésie. Il n’y a rien d’intellectuel dans cette histoire, c’est d’abord l’histoire drôle et touchante d’un homme gauche, plutôt laid, qui peine à faire de sa vie un sujet de satisfaction. Oscar Restrepo n’a rien de baudelairien, ou de rimbaldien. C’est un être ordinaire, qui promène sa détresse du matin au soir, la remplissant régulièrement de plusieurs verres d’alcool. C’est aussi et avant tout un homme pétri de gentillesse qui ne ferait pas de mal à une mouche, là où au contraire les personnes qui l’entourent ne sont pas toujours bienveillantes à son égard. Il s’obstine à chercher un sens à sa vie dans une voie anticonformiste qui génère agacements et inquiétudes, à commencer par sa propre famille.
Un poète va au-delà du seul portrait d’un homme malheureux, en quête de succès littéraire. Le film déroule, avec beaucoup d’adresse, les relations père-fille, qu’il s’agisse de filiation véritable ou par substitution. Face à un père absent notamment, remplacé par un oncle avide d’argent, le lien qu’il crée avec la jeune élève Yurlady est très beau et sincère. Il n’y a pas une once d’agressivité, de sentiment mal placé entre les deux ou d’ambivalence de quelque sorte. Seulement une relation qui se crée autour de la poésie, comme une invitation à grandir ensemble vers un lendemain plus chantant. La relation entre Victor et sa fille est plus difficile, mais finalement, entre ces deux types de relation, on comprend que le vrai sujet est celui de l’amour pur, détaché de toute influence négative comme l’intérêt et l’argent.
- Copyright Epicentre Films
Le récit pourrait paraître un peu désinvolte, eu égard à ce festival de poésie qui attire quelques passionnés un peu déconnectés. En réalité, le long métrage n’ignore pas les problématiques sociales qui traversent la Colombie avec une forte polarisation des classes sociales. Ainsi, le film met dos à dos une famille appartenant à la classe moyenne supérieure où un poète peut rester des mois sans travailler ; et une autre, très pauvre, où la jeune fille n’aura sans doute pas les moyens de continuer à écrire, son intérêt pour la poésie n’étant qu’un passe-temps comme un autre, sans plus d’importance que cela. La fiction interroge la nature même de l’art, à la manière d’un texte de Bourdieu qui ne peut pas écarter la question artistique de la dimension sociale et économique.
Un poète est un film rare, touchant, qui ne se prend pas au sérieux, tout en prenant soin de parfaire des portraits de personnages originaux qui ne sont jamais ridicules ou grotesques. Il y a au contraire dans l’écriture un véritablement attachement à rendre les protagonistes vivants, avec leurs défauts, leur caractère et leurs qualités, chacun s’illusionnant sur le bonheur de l’autre. Voilà pour nous un vrai coup de cœur de la sélection 2025 d’un Certain Regard. On rendra hommage particulièrement à la photographie et au cadrage, avec ces bords rongés de l’image comme si elle était sortie elle-même d’un livre de poésie et sa couleur qui respire quelque chose entre l’enchantement et la réalité.
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