Le 23 mai 2025
Après le très beau et très féminin Leila et ses frères, Saeed Roustaee monte en intensité dramatique avec ce portrait de femme, de mère et de battante. Une œuvre capitale en ces temps terriblement réactionnaires en Iran.


- Réalisateur : Saeed Roustaee
- Acteurs : Hassan Pourshirazi, Parinaz Izadyar, Payman Maadi , Fereshteh Sadre Orafaee, Soha Niasti
- Genre : Drame
- Nationalité : Iranien
- Distributeur : Diaphana Distribution
- Durée : 2h11mn
- Festival : Festival de Cannes 2025

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– Festival de Cannes 2025 : Sélection officielle, En compétition
Résumé : Mahnaz, une infirmière de quarante-cinq ans, élève seule ses enfants. Alors qu’elle s’apprête à épouser son petit ami Hamid, son fils Aliyar est renvoyé de l’école. Lorsqu’un un accident tragique vient tout bouleverser, Mahnaz se lance dans une quête de justice pour obtenir réparation...
- © Festival de Cannes 2025
Critique : Mahnaz n’est pas une mère idéale, loin de là. Elle peine à élever seule ses deux enfants, notamment le plus grand, Aliyar, qui cumule les passages à l’acte à l’école et en dehors de l’enceinte scolaire. Le mari de Mahnaz est décédé et, pays patriarcal oblige, la tutelle des enfants a été confiée au beau-père. Et justement, le drame arrive avec cet homme inconsistant, irresponsable et surtout totalement inapte à la garde des enfants qu’elle lui a confiés, le temps seulement de négocier avec une autre famille, un nouveau mariage.
Comme souvent dans le cinéma de Saeed Roustaee, les femmes sont mises au premier plan d’un combat sociétal, où s’opposent en permanence l’application de la loi, la légitimité à y désobéir et le poids des traditions qui empêchent toute forme d’avancée sociale. La position de la femme, en tant qu’épouse, mère, et veuve, est centrale dans le propos militant du réalisateur qui brave avec courage le conservatisme général. Son héroïne est confrontée à l’injustice sous toutes ses formes : celle de ne pas se voir reconnaître les fautes du beau-père, celle de n’avoir pas son mot à dire sur la garde des enfants et le maintien de l’autorité parentale, celle d’un procès qui est rendu exclusivement par des hommes occupés à protéger leurs privilèges. L’adolescent est présenté comme un garçon turbulent, mal élevé, sans repère, qui ne cesse de braver les limites et les interdits. Ce que ce comportement raconte d’abord, c’est l’impossibilité pour une mère de poser des limites à un fils dont l’autorité est confiée au beau-père en l’absence de père, et dans une société qui prépare les jeunes hommes à un modèle sociétal qui repose uniquement sur le patriarcat.
- © 2025 Amirhossein Shojaei & Saeed Roustaee. Tous droits réservés.
Le jeune cinéaste de trente-cinq ans a déjà deux monuments cinématographiques reconnus mondialement derrière lui : La loi de Téhéran et Leila et ses frères. L’œuvre qu’il propose est encore plus aboutie que les deux dernières, dans une mise en scène très épurée, plutôt bavarde, où le spectateur assiste avec effroi et admiration à l’effondrement et l’élévation d’une mère que l’existence confère à l’inimaginable. En plus des sentiments complexes du deuil qu’elle doit gérer, elle doit rentrer dans un combat pour faire droit à la Raison au sens philosophique du terme, à l’affirmation de droits qui pour nous, Occidentaux, ne sont pas discutables. La bataille de Mahnaz est intimiste, c’est-à-dire restreinte au champ de la cellule familiale, sociale, donc en butte avec les institutions scolaires, juridiques et politiques, avec le débat qu’elle engage sur la place des femmes, a fortiori veuves et mères.
La formidable réussite du long-métrage tient à l’interprétation admirable de Parinaz Izadyar qui avait déjà été dirigée par Roustaee dans La loi de Téhéran. L’actrice prend des risques certains en endossant cette figure maternelle et féminine qui, après les larmes, choisit la rébellion. Sa bataille passe par l’éducation, la connaissance et la détermination. Elle montre un visage multiple dans ce rôle, entre une femme esseulée qui se débat avec les comportements déviants de son fils, une amante trompée puis éprouvée par le deuil et une guerrière qui va tenter de réclamer justice.
La force de ce personnage est en miroir avec la médiocrité des autres protagonistes autour d’elle, lesquels s’abaissent à des compromissions absurdes et s’abandonnent à la lâcheté. Au contraire, le personnage joué par Parinaz Izadyar ne renonce à rien, presque à la manière Leila qui, par tous les moyens voulait sauver sa famille du désastre annoncé d’un héritage injuste. La transformation physique de la comédienne est perceptible dans tout le long-métrage, passant de la pure victime, à une héroïne déterminée. La fin qui est sublime réconcilie ces deux contraires, montrant que le miracle de la vie peut aussi donner raison à la Vérité.
Alors, oui, on est dans un film iranien où les sanglots sont nombreux, où parfois les comédiens en font des tonnes. Mais on est surtout dans une œuvre universelle qui nous rappelle à chaque minute que la liberté adviendra toujours depuis le regard d’une femme, d’une mère qui acceptera de se sacrifier au nom du respect des droits et non de la tyrannie arbitraire.
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