L’en dedans
Le 20 août 2003
Luc Lang aborde la tragédie de manière originale, l’inscrivant dans une étonnante perspective romanesque.
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Est-ce une chance de se trouver aux États-Unis le 10 septembre 2001 quand on est un écrivain français ? Un signe du destin ? Une belle opportunité à saisir ? C’était le cas de Luc Lang. Vivre la tragédie du dedans n’était pas donné à tout le monde. Pourtant, il n’était pas à New York, loin de là, mais en visite dans les réserves indiennes, en pleine nature, dans les parcs du Montana... Le narrateur se prénomme Lucas. Et, à la façon d’une grand-messe, ouvre son récit en rédigeant une prière aux disparus, à leurs voix. Leurs voix qui résonnent comme des testaments. Ultimes messages laissés sur des répondeurs, témoignages passionnels des victimes à l’attention de leurs proches et de leurs familles. Comme un souffle de vie dérisoire...
La veille de la tragédie, Lucas se promène au volant d’un pick-up. Il a rendez-vous avec un vieil Indien, Ee-Nees-Too-Wah-See. L’occasion de visiter les villages d’un peuple massacré à qui le tourisme permet de survivre tant bien que mal. Un peuple toujours mis à l’écart dans la plus grande démocratie du monde. Tous les espaces de vie se ressemblent. Partout, le même décor, la même résignation, la même bière tiède, les mêmes souvenirs proposés aux touristes, les mêmes stations-service, les mêmes regards méfiants... Lucas, enfin, se réjouit de passer la nuit chez l’un d’eux, malgré l’hostilité de plusieurs invités arrivés en même temps que lui. Pour raviver ses souvenirs d’enfant et s’isoler le temps d’une nuit, il dormira dans un tipi blanc. Mais le réveil sera douloureux. Il découvre, en même temps que les autres, les images des deux tours en feu diffusées en boucle par CNN.
L’Amérique blessée dans son orgueil. L’Amérique triomphante attaquée sur son sol, l’Amérique qui se croyait à l’abri de tout rattrapée par ces images tragiques, que le monde entier découvre en direct, dans un moment d’ultime communion. Des images de guerre, de frayeur, d’apocalypse... De cette semaine de septembre passée aux Etats-Unis, Luc Lang a extrait l’aspect sensible. Ce texte est empreint d’une beauté crue. Poétique, tragique, lyrique... Le regard d’un écrivain obnubilé par le passé sanglant d’un pays ayant créé ses démons.
Ni voyeurisme ou compassion gratuite dans cet ouvrage. Mais un texte sensible, rédigé par un écrivain possédant le recul nécessaire, qui a trouvé les mots justes pour en parler. Un regard légèrement décalé, ironique parfois, mordant aussi... En mêlant l’hommage à la critique, Luc Lang est parvenu à un compromis sans failles.
Luc Lang, 11 septembre mon amour, Stock, 2003, 247 pages, 18,05 €
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