Le 21 octobre 2025
Un Amenábar mineur certes, et au kitsch assumé, mais guère désagréable. Ce faux biopic d’un Cervantès fantasmé se laisse regarder après un premier quart d’heure confus.
- Réalisateur : Alejandro Amenábar
- Acteurs : Fernando Tejero, César Sarachu, Alessandro Borghi , José Manuel Poga, Luis Callejo, Roberto Álamo, Miguel Rellán, Julio Peña (II)
- Genre : Aventures, Biopic, Historique, LGBTQIA+
- Nationalité : Espagnol, Italien
- Distributeur : Haut et Court
- Durée : 2h14mn
- Titre original : El cautivo
- Date de sortie : 1er octobre 2025
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Résumé : En 1575, Miguel de Cervantès est capturé par le sultan d’Alger. Retenu prisonnier, Cervantès invente chaque jour des récits d’aventures qui fascinent tour à tour ses codétenus et le sultan.
Critique : Disons-le d’emblée : il est difficile de reconnaître la patte d’Alejandro Amenábar dans ce plaisant récit historique qui, pour agréable qu’il soit, est très loin des sommets d’un cinéaste à qui l’on doit des films grandioses, tels que Les autres et Ouvre les yeux. Le premier quart d’heure est même franchement pénible, avec une confusion narrative, des mises en abyme à la manière du Georges Miller de Trois à mille ans à t’attendre (en moins habile) et une esthétique Netflix dont on n’est pas étonné de voir au générique le nom en tant que coproducteur. Mais quand Amenábar et son coscénariste Alejandro Hernández cessent de jouer les petits malins en assurant un cahier des charges contractuel, on se surprend à prendre un réel plaisir à cette histoire abracadabrante bien que tirée, comme on dit, de faits réels (refrain connu)… À l’instar de Lettres à Franco, Amenábar s’intéresse à l’histoire de son pays, ici via ses relations avec le monde musulman au XVIe siècle. Beaucoup d’Espagnols catholiques étaient prisonniers à Alger, dont un certain nombre de nobles mais aussi le futur écrivain Cervantès, alors un tout jeune homme. On sait que le futur auteur de Don Quichotte fut, comme d’autres, retenu pendant cinq ans en captivité dans la demeure du pacha, dont la bisexualité était notoire (mais le fait n’aurait pas été rarissime en Afrique du Nord à l’époque).

- © Haut et Court / Copyright Lucia Faraig
De là à imaginer une relation d’amitié amoureuse, voire plus si affinités, entre les deux hommes, il n’y a qu’un pas à franchir, ce dont ne se privent pas les auteurs, qui privilégient avec raison la créativité sur la reconstitution historique rigide, l’art n’étant pas une simple projection de la réalité. Concernant l’essence de l’écriture, Amenábar précise ainsi dans le dossier de presse : « Il est possible qu’il y ait eu une tension homoérotique entre Cervantès et son geôlier le pacha, qui, on le sait, était ouvertement bisexuel. Mais il s’agit aussi clairement d’une relation de dominé/dominant et il est probable que Cervantès se soit laissé aimer pour survivre. Cette hypothèse est développée dans beaucoup d’ouvrages contemporains qui tous évoquent son affinité avec le pacha. C’était aussi du point de vue dramatique la piste la plus intéressante. Par ailleurs, cela fait trente ans que je fais du cinéma, et jamais je n’avais placé la sexualité ou l’homosexualité au cœur d’un de mes films ni senti la nécessité d’exprimer mon orientation sexuelle à travers ma filmographie. Avec ce film, j’ai eu envie d’explorer un monde sensuel et homoérotique. Indépendamment de l’ardeur avec laquelle j’ai exprimé cet érotisme, c’est au spectateur de se forger sa conviction ».

- © Haut et Court / Copyright Lucia Faraig
S’ensuit une histoire plaisante et bien ficelée dans lequel le personnage le plus trouble n’est pas le pacha mais Cervantès lui-même, à la fois victime et manipulateur, altruiste et arriviste. Et le traitement des rapports de pouvoir ou de l’hypocrisie religieuse est effectué sans lourdeurs. Évidemment, le kitsch n’est pas toujours évité et, sur un sujet plus ou moins proche, des films aussi divers que The Servant, Furyo ou The Pillow Book témoignaient d’une subtilité plus manifeste. Mais l’ensemble est bien plus qu’un Angélique et le sultan à la sauce queer et chic… De plus, le casting, presque exclusivement masculin, est sans failles, avec une mention pour Julio Peña en obscur objet du désir et un excellent Alessandro Borghi en mode pacha. On espère maintenant qu’Amenábar se consacrera à un projet davantage compatible avec son génie visuel et narratif.
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