La guerre des boutons
Le 11 juin 2013
Henry Selick continue de jouer sur nos peurs enfouies tout en ne prenant pas les enfants pour des abrutis. Un conte au propos réaliste et au parfum vénéneux.
- Réalisateur : Henry Selick
- Acteurs : Dakota Fanning, Ian McShane, Teri Hatcher, Jennifer Saunders
- Genre : Fantastique, Animation, 3D
- Nationalité : Américain
- Durée : 1h40mn
- Date de sortie : 10 juin 2009
- Voir le dossier : Animation Laika
- Plus d'informations : Le site officiel du film
Henry Selick continue de jouer sur nos peurs enfouies tout en ne prenant pas les enfants pour des abrutis. Un conte au propos réaliste et au parfum vénéneux.
L’argument : L’histoire d’une fillette qui pousse une porte secrète dans sa nouvelle maison et découvre alors une version alternative de sa propre vie.
Au premier abord, cette vie parallèle est étrangement similaire à la sienne - en bien meilleure. Mais quand cette aventure fantastiquement déjantée commence à devenir dangereuse et que sa fausse mère essaie de la garder avec elle à jamais, Coraline n’a d’armes que son ferme entêtement et son courage, et la complicité de voisins et d’un chat noir parlant, pour venir en aide à ses vrais parents et aux autres enfants fantômes et rentrer enfin à la maison.
Notre avis : Il aura donc fallu attendre près de 13 ans pour découvrir enfin le véritable troisième long-métrage d’animation d’Henry Selick, après L’étrange Noël de Monsieur Jack et James et la pêche géante. Une éternité, le prix à payer pour ce genre de films dont la production s’étale sur des années. Mais l’attente est amplement récompensée lorsque l’on découvre ce petit bijou, fruit d’un travail remarquable qui laisse pantois d’admiration.
- © Universal Pictures International France
L’amour du bricolage et du fait main se ressent dans chaque plan d’une œuvre qui débute d’ailleurs par la confection d’une poupée durant le générique. Selick nous montre d’emblée les « coutures » d’un monde réalisé en stop motion (animation en volume image par image) puis poncé en 3D. Cette méthode de travail laisse transparaître de temps à autre quelques infimes imperfections, notamment dans la fluidité des mouvements lorsque l’action s’emballe, qui humanisent l’entreprise et accroissent notre adhésion et notre respect, celui du petit gamin pris dans le récit d’un spectacle de marionnettes tout en sachant bien au fond de lui qu’un homme caché derrière le décor anime les personnages et leur prête sa voix. Ainsi Selick fait ressurgir notre âme d’enfant, selon l’expression souvent galvaudée mais ici totalement justifiée. Il le fait de la manière la plus simple et la plus efficace : en jouant sur nos peurs infantiles. La peur du noir, bien entendu, du vide, des vieux voisins excentriques, des animaux, d’un puits sans fond au bout du jardin, etc. Les thématiques du miroir, du double, de l’opposé et du monde parallèle ne cesseront jamais de fasciner les grands enfants que nous sommes devenus et restent des sources intarissables pour l’imaginaire nourri aux réflexions conditionnelles (« et si...? »).
- © Universal Pictures International France
Mais même si le film fait parfois très peur et même s’il semble s’adresser à un public adulte en proie à la nostalgie, il serait dommage de ne pas en faire profiter les « vrais » enfants, ne serait-ce que pour le discours pertinent qu’il délivre en filigrane. En effet, bien que l’astuce principale du métrage, à savoir le passage du monde réel à un univers parallèle (la « doublure » d’une maison réversible pour prolonger la métaphore couturière), ne soit pas inédite et puise ses références, peut-être inconsciemment, dans une histoire comme Alice au pays des merveilles par exemple, son traitement n’en demeure pas moins original dans son aspect anti-utopique, ce qui peut paraître paradoxal dans le contexte d’un film d’animation. Coraline, petite fille délaissée par des parents très occupés, trouve le passage vers un monde dans lequel ses parents ont tout le temps de s’occuper d’elle et de la choyer. Elle est aux anges, à peine remarque-t-elle leurs étranges boutons cousus à la place des yeux. Boutons qu’elle doit elle-même se coudre sur ses yeux si elle veut vivre pour de bon dans cet autre monde, au risque de perdre son âme. Ce monde qui gomme les aspérités au point d’éradiquer la pensée et la création (très belle scène du décor qui disparaît et laisse place à une page blanche), Selick ne veut pas l’offrir aux enfants. Il préfère s’adresser à leur intelligence en leur rappelant que « se coudre les yeux » pour éviter la réalité n’est pas une solution, qu’il est très important de rêver mais en sachant affronter les difficultés qui construiront petit à petit leur personnalité d’adulte. De là à dire qu’Henry Selick prépare nos chérubins à affronter la crise, n’exagérons rien ! Il s’agit juste d’une très belle leçon, fine et pas moralisatrice pour un sou, enrobée dans une friandise à la féérie vénéneuse.
- © Universal Pictures International France
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Frédéric Mignard 16 juin 2009
Coraline - la critique
Inimaginable de ne pas voir cette splendeur en 3D ! Foncez dans les salles qui proposent le procédé, évitez les autres, le film est une pure merveille visuelle !
roger w 28 juin 2009
Coraline - la critique
Attention, chef d’oeuvre ! Si vous voulez vous convaincre que "l’étrange Noel de monsieur Jack" n’était pas que l’oeuvre de Tim Burton, venez découvrir ce nouveau film d’Henry Selick, trop souvent resté dans l’ombre de Burton. On y trouve une dizaine d’idées géniales à la seconde. Cette histoire magnifique nous emporte dans un monde inédit et passionnant. Tout simplement GENIAL !
Norman06 22 juillet 2009
Coraline - la critique
Remarquable film d’animation au graphisme en 3D saisissant, ayant la beauté de toiles de grands maîtres. Le scénario a la richesse des grands contes. Un sommet du genre, d’une poésie que seul Miyazaki a égalée...