Le 24 décembre 2024
Un documentaire insolite et enrichissant, évoquant avec rigueur et engagement le parcours d’un artiste trop peu connu, et emblématique du témoignage sur l’apartheid.


- Réalisateur : Raoul Peck
- Genre : Documentaire, Historique
- Nationalité : Américain, Français
- Distributeur : Condor Distribution
- Durée : 1h46mn
- Date de sortie : 25 décembre 2024
- Festival : Festival de Cannes 2024

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Résumé : Ernest Cole, photographe sud-africain, a été le premier à exposer au monde entier les horreurs de l’apartheid. Son livre HOUSE OF BONDAGE, publié en 1967 alors qu’il n’avait que vingt-sept ans, l’a conduit à s’exiler à New York et en Europe pour le reste de sa vie, sans jamais retrouver ses repères. Raoul Peck raconte ses errances, ses tourments d’artiste et sa colère au quotidien, face au silence ou la complicité du monde occidental devant les horreurs du régime de l’apartheid. Il raconte aussi comment, en 2017, soixante mille négatifs de son travail sont découverts dans le coffre d’une banque suédoise.
Critique : Il n’est pas surprenant que le réalisateur haïtien Raoul Peck se soit intéressé à la biographie du photographe sud-africain Ernest Cole (1940-1990), Le cinéaste a d’ailleurs tenu à assurer lui-même la voix off basée sur des propos à la fois reconstitués et imaginés du photographe, qui s’exprime à la première personne. C’est une des singularités de ce long métrage qui échappe aux travers de l’académisme inhérent au genre biopic, même sous sa forme documentaire. Raoul Peck précise ainsi dans le dossier de presse : « On partage certainement des choses. Dire le texte m’a paru naturel, en le mêlant à la musique des grands artistes sud-africains de l’époque, comme un montage symphonique. J’ai connu cette époque, ces événements, j’étais engagé politiquement dès 1974. À Berlin où je vivais alors et étudiais, je fréquentais des membres de l’ANC entre autres groupes politiques. Quand le militant anti-apartheid Steve Biko a été assassiné en 1977, on est descendu dans la rue... Je comprends aussi Ernest Cole en tant qu’artiste. Mon père photographiait beaucoup. Dans toute ma filmographie, j’ai utilisé des photos, j’ai épluché les archives de multiples pays à une époque où on pouvait vraiment avoir accès aux photos, aux planches de contact et aux films eux-mêmes, dans des caves, des dépôts, enlever la poussière… »
- © Ernest Cole. Tous droits réservés.
Que ce soit dans ses fictions comme L’homme sur les quais (1993, sur la dictature Duvallier) et Le jeune Karl Marx (2017, sur la jeunesse du penseur révolutionnaire), ou ses documentaires tels que (I Am Your Negro (2016, sur la lutte des Noirs américains, d’après James Baldwin), le cinéaste a toujours eu à cœur de traiter le thème des injustices sociales et de leur dénonciation. Ernest Cole photographe est donc bien en cohérence avec sa filmographie, tout en faisant découvrir au public un artiste encore trop méconnu, persona non grata dans son pays natal et sous-estimé de son vivant en Occident (il mourut dans la précarité, quelques jours après la libération de Mandela).
- © Ernest Cole. Tous droits réservés.
Le meilleur du film réside dans le commentaire de photos signées Ernest Cole, auteur de nombreux clichés sur ses compatriotes exploités quand il vivait sous l’apartheid, avec la révélation des pensées supposées des personnes représentées (policier, jeune homme Noir, passant Blanc…), images de la terreur d’un régime discriminatoire sur lequel ont fermé les yeux bien des dirigeants occidentaux, de Ronald Reagan à Margaret Thatcher, en passant par Jacques Chirac (archives de discours des années 80). On apprécie aussi un passage quasi kafkaïen, aux accents de thriller, à propos d’une banque suédoise informant les ayants droit de la découverte de milliers de négatifs ayant appartenu à Cole. Même si le documentaire n’échappe pas toujours à la redondance et aurait pu être resserré, il est donc tout à fait recommandable et aurait sa place dans une rétrospective abordant l’apartheid sous un angle historique et politique, d’Un monde à part de Chris Menges à Invictus de Clint Eastwood. On espère aussi qu’une prochaine exposition puisse être consacrée à ce photographe majeur, qui s’inscrit dans la lignée de la démarche d’un Henri Cartier-Bresson. Ernest Cole, photographe a été présenté en séance spéciale au Festival de Cannes 2024.
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