Le 17 novembre 2025
Ce biopic tranche avec l’académisme inhérent au genre et la réalisatrice propose une approche originale et intéressante de l’écrivain, malgré certains choix discutables.
- Réalisateur : Agnieszka Holland
- Acteurs : Peter Kurth, Ivan Trojan, Aaron Friesz, Sandra Korzeniak, Idan Weiss, Carol Schuler, Sebastian Schwarz, Katharina Stark, Jenovéfa Boková
- Genre : Drame, Biopic, Historique
- Nationalité : Irlandais, Tchèque
- Distributeur : Bac Films
- Durée : 2h07mn
- Titre original : Franz
- Âge : Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs
- Date de sortie : 19 novembre 2025
- Festival : San Sebastián International Film Festival
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Résumé : De son enfance à Prague jusqu’à sa disparition à Vienne, le film retrace le parcours de Franz Kafka, un homme déchiré entre son aspiration à une existence banale et son besoin irrépressible d’écrire, marqué par des relations amoureuses tourmentées.
Critique : La réalisatrice polonaise Agnieszka Holland reste fidèle à ses récits ayant pour cadre des éléments historiques, plus ou moins contemporains, s’étant déroulés à l’Est. On garde en mémoire les fulgurantes réussites que furent Europa, Europa (sur l’itinéraire singulier d’un jeune juif), L’ombre de Staline (qui relatait l’une des pages les plus sombres de l’URSS) ou Green Border, axé sur le drame des migrants. Coécrit avec Marek Epstein, le scénario de Franz K. n’est en rien une commande et se présente comme un projet authentiquement personnel de la cinéaste. Depuis qu’elle était étudiante en Tchécoslovaquie, elle s’est toujours passionnée par la vie et l’œuvre de Franz Kafka, reconnu aujourd’hui comme un écrivain majeur du XXe siècle, mais sous-estimé de son vivant et longtemps assimilé à un romancier bourgeois à l’époque du communisme (à l’exception de la période liée au printemps de Prague). Elle a s’est livrée à un travail de recherche minutieux sur l’écrivain, qui ne débouche en rien sur une reconstitution classique. Dans le cadre d’une coproduction tchèque et irlandaise, et avec un casting d’acteurs européens provenant d’Allemagne, de République tchèque, de Pologne ou de Suisse, Agnieszka Holland a signé un biopic prenant ses distances avec les nombreux produits culturels académiques jusque-là proposés pour aborder un écrivain, de Shakespeare in Love à La promesse de l’aube.

- Idan Weiss
- © 2025 Bac Films. Tous droits réservés.
Sans atteindre la réussite de la Jane Campion d’Un ange à ma table, Franz K. tente de cerner la personnalité mystérieuse d’un artiste introverti, capable de se montrer exubérant quand on s’y attend le moins (lors d’un entretien d’embauche pour un poste administratif important), ou psychorigide lorsqu’une attitude bienveillante est requise (son altercation avec un mendiant). Mais Franz K. ne se limite pas à cette tentative d’approche clinique. C’est le portrait d’un homme incongru dans son époque, juif parlant allemand dans un microcosme antisémite et replié sur lui-même, mal accepté par son père mais soutenu par sa jeune sœur, écrivain novateur peinant à briller dans des cercles académiques, éternel rêveur fuyant les conventions sociales (le fiasco de ses fiançailles avec une jeune femme ne rêvant que de confort bourgeois). Mais point de tonalité romanesque et linéaire dans le script, pas même une structure en flashback récapitulant les grandes lignes de son parcours (le péché mignon de maints réalisateurs de biopic). La cinéaste préfère une forme éclatée, brisant la chronologie par un montage qui pourra paraître déroutant, notamment dans la première moitié du film.

- Idan Weiss, Jenovéfa Boková
- © 2025 Bac Films. Tous droits réservés.
Elle précise à cet égard dans le dossier de presse : « Je sentais que c’était la seule façon de réussir à s’approcher de lui. Ni sa vie, ni sa personnalité, ni son œuvre ne se prêtent à un récit linéaire, classique, qui fonctionne par causalité : tel événement s’est produit qui entraîne telle conséquence, etc. C’est un parti pris qui est aussi déterminé par son écriture (…) Pour autant, il fallait que le film se tienne émotionnellement et capte l’attention du spectateur. Avec une construction comme celle-ci, je n’étais pas certaine, jusqu’à la fin du montage, que ce dispositif allait fonctionner. Mais je pensais que c’était la seule façon de m’y prendre et j’en ai assumé le risque. » Le résultat est intéressant et l’on apprécie de multiples digressions, notamment les passages se déroulant de nos jours, d’une tonalité souvent comique, et qui montrent l’exploitation touristique de Kafka à travers des circuits proposés aux visiteurs étrangers. La bande sonore est en outre réussie, avec l’utilisation anachronique de plusieurs musiques, dont celles de Trupa Trupa, leader du rock alternatif polonais ! Plus discutables nous semblent d’autre choix, quand certains personnages témoignent face à la caméra (procédé artificiel et faussement novateur), où lorsque Kafka choque un auditoire en lisant sa nouvelle La Colonie pénitentiaire : l’illustration en images qui se superpose n’est pas du meilleur goût… Et le portrait du père tyrannique et étriqué est vraiment caricatural. En revanche, rien à redire sur l’acteur principal : Idan Weiss ressemble vraiment à Kafka, mais là n’est pas le plus important : il traduit à merveille les ambiguïtés et tourments d’un artiste hors norme. Une vraie révélation de cinéma.
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