Fuori - Mario Martone - critique

© Festival de Cannes 2025

Critique : Coécrit avec Ippolita Di Majo et réalisé par Mario Martone, Fuori conforme l’intérêt du cinéaste pour l’Histoire de l’Italie contemporaine, une constante de sa filmographie, de Mort d’un mathématicien napolitain à Nostalgia. Fuori est une libre adaptation de L’Università di Rebibbia, récit autobiographique de l’écrivaine Goliarda Sapienza, connue pour son œuvre majeure L’Art de la joie, écrite entre 1967 et 1976, mais publiée après sa mort. « Goliarda est désobéissante, a un style très original qui peut plaire ou non. Sa musique est très gracieuse, elle parle au premier et au deuxième degré, et possède une liberté incroyable dans l’écriture. » Ces propos de Mario Martone laissaient présager un film incisif, portrait d’une artiste hors norme marquée à jamais par une incarcération de quelques mois pour un vol de bijoux, un moment de sa vie où cette intellectuelle décalée changea de regard sur des femmes exclues de la société mais dont elle essaya de comprendre les motivations, y compris quand elle sortit de prison.

© 2025 Le Pacte. Tous droits réservés.

Le long métrage de Martone alterne deux niveaux narratifs. On voit ainsi l’écrivaine après sa libération, qui doit faire face à des problèmes financiers, tout en continuant à nouer des relations avec certaines de ses ex-codétenues, et en particulier une jeune femme qui n’a pas froid aux yeux et joue un curieux de chat et de la souris avec elle. En parallèle, on suit des instants de l’expérience carcérale. Si la peine de prison peut sembler sévère pour celle qui deviendra une icône de la littérature italienne, Martone montre une prisonnière qui prend la situation au second degré, de rires nerveux en ironie certaine, suscitant la méfiance puis la sympathie de la part des autres femmes. Mais l’alternance de deux dimensions temporelles au cinéma, qui pouvait encore passer pour de l’audace narrative il y a une trentaine d’années, apparaît ici bien conventionnelle, et l’on peine à s’intéresser aux tourments et aux relations de la protagoniste.

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Autant Mario Martone avait dévoilé un sens aigu de la psychologie, de l’atmosphère et de la dramaturgie politique dans ses précédents films, autant il se contente ici du minimum syndical, en se montrant sans doute à la fois trop illustratif et trop respectueux de son matériau littéraire initial, et comme s’il n’osait pas aller plus loin dans l’introspection d’un personnage sans doute fascinant mais qui apparaît ici trop détaché et sans aspérités. Coproduit par la Rai, Fuori semble en fait souffrir d’un traitement trop télévisuel, à savoir d’un filmage sans relief et d’un classicisme empruntant la voie de l’académisme. C’est dommage pour Valeria Golino, dont le jeu sensible et nuancé se bonifie avec les années, et qui s’avère être l’une des meilleures actrices italiennes. Elle est tout compte fait le principal intérêt de ce film mineur dont on peine à comprendre la sélection en compétition officielle du Festival de Cannes 2025.