Le 12 juin 2025
Thomas Ngijol dresse un portrait saisissant du Cameroun, confronté, comme beaucoup de pays du monde, à une crise d’autorité, de valeurs et de références. Un film coup de poing qui ne transige pas sur la transformation glaçante de la société africaine.


- Réalisateur : Thomas Ngijol
- Acteurs : Thomas Ngijol, Danilo Melande, Bienvenue Mvoe, Thérèse Ngono
- Genre : Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters
- Nationalité : Français
- Distributeur : Pan Distribution
- Durée : 1h21mn
- Date de sortie : 11 juin 2025
- Festival : Festival de Cannes 2025

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Résumé : À Yaoundé, le commissaire Billong enquête sur le meurtre d’un officier de police. Dans la rue comme au sein de sa famille, il peine à maintenir l’ordre. Homme de principe et de tradition, il approche du point de rupture.
Critique : Inspiré d’un documentaire sur une sombre affaire d’assassinat d’un policier, Thomas Ngijol embarque son spectateur sur une enquête menée par un inspecteur peu scrupuleux des méthodes employées pour faire avouer les coupables. Cet homme, avant d’être policier, est un père de famille qui tente de maintenir dans son foyer les principes traditionnels de l’éducation. Mais les temps changent : les portables et Internet sont partout, les images prennent de plus en plus de place dans le quotidien des adolescents, les filles font du foot et les mères de famille se rebellent contre les abus d’autoritarisme des hommes. On peut donc venir à la conclusion rapide que les choses s’améliorent, sauf que le héros est perdu, tiraillé entre ses héritages parentaux, son désir d’excellence au travail et son ambition en faveur d’un pays intègre et harmonieux.
On connaît surtout Thomas Ngijol pour ses prestations d’humoriste. Il réalise ici un drame glaçant qui va bien au-delà de la seule enquête de police. En réalité, la résolution du crime est surtout l’opportunité de montrer combien la police camerounaise ne parvient plus à composer entre des pratiques assumées de corruption, des entretiens qui ressemblent plus à des séances de torture qu’à des interrogatoires ordinaires, et la nécessité de résoudre rapidement les délits qui viennent jusqu’à leur bureau. L’état de la société camerounaise est désastreux, avec ses toxicomanes, ses jeunes en errance, la corruption généralisée, et une pauvreté endémique qui s’accroît. Le portrait de cette Afrique est dur, âpre, sans appel, dans un contexte social et économique souffrant de l’emprise des médias et des modes de vie occidentaux.
- Copyright Why Not Productions
À côté de cette enquête de police, le cinéaste fait le portrait d’un homme, un père, qui a perdu tous ses repères en matière d’éducation et de sens. Son opiniâtreté à faire de ses fils des exemples est louable certes, mais les méthodes qu’il emploie sont l’expression d’un policier qui ne parvient plus à faire la différence entre son activité professionnelle et son quotidien d’époux et de père de famille. En même temps, le scénario ne tranche jamais en défaveur ou en faveur de ce personnage principal qui se débat dans des injonctions paradoxales, indépassables. Indomptables témoigne alors d’une société de parents, de citoyens, d’enseignants, enferrés dans des contradictions sociales, culturelles complexes.
Force est de constater que le film met à l’honneur un cinéaste et un acteur, en la personne de Thomas Ngijol. Il y a dans la prestance de l’acteur mais aussi dans la mise en scène qu’il propose, un véritable courage de dénonciation d’une société encore hantée par ses relents patriarcaux, qui peine à trouver des repères nouveaux. Les comportements policiers, absolument inadmissibles, racontent les dérives d’un État tout puissant qui, au lieu de réparer les routes, donner aux habitants des conditions de soin minimales, entretient les rapports de pouvoir et de force avec ses concitoyens. Sélectionné à la Quinzaine des Cinéastes 2025, Indomptables dialogue avec la modernité et la tradition qui devraient pourtant cohabiter au mieux dans une société équilibrée et sereine. Ici, c’est tout le contraire. Le sens s’estompe, les valeurs se heurtent à l’impuissance des institutions à faire advenir le droit, et les familles se décomposent pendant que nombre d’adolescents et de jeunes adultes cèdent à la facilité de la délinquance.
- Copyright Why Not Productions
Indomptables est un film déroutant qui peut laisser le spectateur sans voix. Le rythme et le format serré du long-métrage permettent de garder en haleine pendant près d’une heure, dans une savante alternance entre les scènes d’enquête elles-mêmes et le quotidien du père de famille. Thomas Ngijol connaît le Cameroun dont il filme avec beaucoup d’acuité les quartiers mal famés, à côté des demeures bourgeoises des hauts fonctionnaires. Le costume du protagoniste tranche avec les corps amaigris des jeunes toxicomanes, le comportement des délinquants qui volent des porcs pour survivre ou la colère des foyers étranglés par la misère.
Le réalisateur fait la démonstration d’une maîtrise impressionnante dans l’art de raconter des histoires. Finies les comédies légères et peu consistantes comme Black Snake, la légende du serpent ou Fastlife. L’humoriste écrit et met en scène un drame qui dépasse largement l’anecdote policière pour se centrer sur un état inquiétant de la société camerounaise. Il ne nous reste plus qu’à espérer un prochain long-métrage du réalisateur dont l’analyse et le regard sur le monde comptent désormais sur les écrans français.
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