Mine de rien, Patrick Lapeyre continue de tracer son petit bonhomme de chemin. Et, après plusieurs années d’absence, il revient avec un roman tout en finesse et en mélodie, drôle et tragique, sensible et acide. Il s’attaque ici à un sujet délicat. L’amour absolu et extrême d’un frère pour sa sœur. Un amour qui tourne à l’obsession totale au point d’empêcher Cooper de vivre, de penser, de respirer. Ce Cooper, comme Vladimir et Estragon, attend inlassablement. Non pas Godot, mais Louise.

Homme séduisant (ses conquêtes passées ou potentielles le prouvent), Alex Cooper appartient à cette catégorie de personnages plombés par un destin plus fort que la raison ou la volonté. Et c’est malheureusement à cause de cette passion aveugle pour Louise que Cooper va progressivement dégringoler dans un gouffre sombre et immense. Au point de s’empêcher toute vie sociale et d’aller jusqu’à tirer un trait sur sa personnalité et son boulot peu passionnant dans une banque. Les seuls moments où il s’autorise un sourire sont ceux durant lesquels Louise lui téléphone de l’autre bout du monde pour lui demander de l’argent...

Qu’on ne s’y trompe pas pourtant. Patrick Lapeyre, avec ce Cooper, anti-héros absolu, fait preuve d’un sens de l’humour et d’une causticité que beaucoup pourraient lui envier. La construction de ce roman, constitué d’une suite de saynètes très courtes, lui offre un rythme et une mélodie exemplaires. Cet écrivain discret peut en tout cas se vanter d’avoir traité d’un sujet peu fréquent en littérature sur un ton très personnel, original et décalé. Pour le coup, ce personnage dépressif nous fait pleinement apprécier la vie. Un comble !