Dulcolax
Le 19 janvier 2021
Altermondialiste moustachu, éco-intégriste à fourrure, indigné professionnel : avant d’être une catastrophe velue, le lorax est d’abord une peluche José Bové. Mais contrairement au Larzacien, il préfère les attentats esthétiques aux démontages de McDo. Enquête sur le dernier outrage polygonal de Chris Renaud.
- Réalisateur : Chris Renaud
- Acteurs : Danny DeVito, Zac Efron, Ed Helms
- Genre : Comédie, Animation, Film pour enfants
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Universal Pictures France
- Durée : 1h27mn
- Date télé : 19 janvier 2021 21:05
- Chaîne : Gulli
- Titre original : The Lorax
- Date de sortie : 18 juillet 2012
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Résumé : « Pour conquérir le cœur de sa jolie voisine, Audrey, Ted va s’échapper de Thneedville, un monde totalement artificiel où toute végétation a définitivement disparu, pour partir en quête d’un arbre vivant. Ted va rencontrer le Gash-pilleur, un vieil ermite aigri reclus dans sa cabane au milieu de nulle part, et découvrir la légende du Lorax, cette créature aussi renfrognée que craquante qui vit dans la magnifique vallée de Truffala et lutte avec ardeur pour la protection de la nature. Avec l’aide de sa grand-mère, Mamie Norma, Ted va devoir déjouer les pièges de O’Hare et ses sbires pour rapporter à Audrey la dernière graine d’arbre vivant au monde. Sans le savoir, le jeune garçon va transformer le destin de Thneedville. »
Critique : Comprendre l’expérience Lorax, c’est avoir déjà planté une seringue de colorant dans une boule de coton. Comprendre l’expérience Lorax, c’est avoir excavé à la main une tagada géante, ou dévidé un roll-up de malabar infini. Comprendre l’expérience Lorax, c’est s’être noyé dans un marshmallow exponentiel. Comprendre l’expérience Lorax, enfin, c’est avoir déjà pédalé dans du smoothie. Alors certes, être allergique au glucose et aux poils de chats suffit amplement à comprendre l’expérience Lorax, mais si on ne commence pas tous à faire un petit effort d’imagination, d’autres Lorax pourraient voir le jour. Et le monde de l’animation n’y survivrait pas.
Ron Howard (Le Grinch) aurait peut-être du prévenir Chris Renaud, mais on n’adapte pas le travail du Dr Seuss, auteur du Lorax originel, sans y laisser des poils. C’est un fait. Aussi cultes qu’approximatifs, ses crayonnés sauvages et ses aplats candides ont toujours eu quelque chose de fondamentalement artisanal, qu’une direction artistique irréfléchie et trop fidèle ne saura jamais retranscrire sans risquer d’en bafouer l’essence. D’autant plus que la 3D, quand elle ne soigne pas ses textures, est dans ce domaine une arme de destruction massive. Si vous avez déjà dîné chez les étoilés de l’animation (Pixar et Dreamworks) mais n’avez plus les moyens de vous les offrir, le Lorax 2.0 vous présente leur version micro-ondable, gonflée aux arômes de synthèse, modélisée à la truelle, et liée par des effets de lumières aussi putassiers qu’un sunset de David Hamilton. On vous met par exemple au défi de distinguer les fleurs artificielles de Thneedville des fameux arbres truffala chers au lorax, fers de lance d’une nature soit-disant inimitable dont les petites éoliennes en plastique que votre tata accroche à ses jardinières sont les clones parfaits. La fourrure en moins.
D’une laideur brutale et quasi télétubbienne, la tronche de lorax land n’est pas la seule chose que le film devrait envier à ses illustres aînés. On pense notamment à Wall-E, avec qui il partage la majeure partie de ses thématiques, sans en atteindre ne serait qu’une once de fois la recherche, la puissance d’évocation, et l’évidence de la mise en scène. Mais ce serait oublier les personnages, série de sous-Muppets aussi crédibles et jetables que des gants de vaisselle en fin de vie, quand ils ne sont pas, purement et simplement, des plagiats (le maire de Thneedville, c’est aussi celui de Tempête de boulettes géantes avec la coupe de cheveux D’Edna, des Indestructibles). Quant à Ted, petit imbécile élu par les dieux de Jardiland pour planter sa graine métaphorique dans les bosquets en polypropylène d’une Thneedville évidemment inconsciente de son suicide technologique, il récolte toutes les médailles du héros sans traverser les épreuves qui vont avec leurs revers. S’il suffit d’échapper à deux porte-flingues simiesques en scooter électrique et de chanter l’amour des peupliers dans un jardin municipal pour convaincre le monde de changer, il faudrait vraiment qu’Eva Joly se dépêche de choper son 06.
Aride, pontifiant et donc contre-productif, le discours vert foncé du Lorax donne plutôt envie de noyer un V8 dans le premier ruisseau venu, ou de gorger de white-spirit un des effroyables nounours que l’espèce de crypto - Garfield malentendant (jusqu’à preuve du contraire, le lorax n’a pas d’oreilles) chaperonne à longueur de scènes. Parce que des animés accessibles, pertinents et éco-responsables, les studios Ghibli en produisent depuis quasiment une vingtaine d’année (Pompoko, Mononoke) et n’ont certainement pas attendu les mastodontes américains - si ce n’est le Wall-E de Stanton donc – pour baliser sérieusement le terrain avec un savoir-faire qui n’émeut visiblement pas Universal. Mais nous ne sommes pas assez naïfs, mes pauvres enfants, pour ne pas laisser l’odeur de marketing sauvage qui émane de la chose nous remonter aux naseaux, que nous avons toujours eu sensibles et délicats. Si si.
Accessoire cute à en crever, repensé pour devenir le doudou numérique de nos demi-portions, le lorax fera chambre commune avec Dora l’exploratrice, quitte à éveiller en nous d’insoutenables visions. D’autant plus que les bacchantes du doudou en question trahissent un âge bien supérieur à celui de l’enquêtrice en micro-salopette. Et on ne parle pas de sa propension à léviter en se tenant la queue (véridique).
Toutefois, on espère que les livres de Seuss resteront les seuls bénéficiaires du patrimoine loraxien, puisque l’Histoire devrait rapidement passer l’éponge sur ce non-évènement intégral, film goodies à côté duquel Les aventures de Winnie l’ourson a des allures de Citizen Kane.
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