Le rôdeur - Joseph Losey - critique

Critique : Avant de s’installer en Angleterre où il réalise ses films les plus célèbres, tels que The Servant ou Le messager pour lequel il décroche la Palme d’Or en 1971, l’Américain Joseph Losey démarre sa carrière dans son pays natal. Les grands studios de Hollywood distribuent ses premiers films, d’abord la RKO pour Le garçon aux cheveux verts, Paramount pour Haines, Columbia pour son remake du chef d’œuvre de Fritz Lang M, et enfin United Artists pour La grande nuit ou Le rôdeur. La chasse aux sorcières met ensuite un terme à sa carrière hollywoodienne.
Pour Le rôdeur, Joseph Losey est entouré de Dalton Trumbo au scénario et de Robert Altman en assistant réalisateur. Ce film noir, aux allures de série B à petit budget, exploite le talent de trois génies du cinéma américain pour s’élever, dans son genre, au rang de perle rare. Le personnage principal dévoile son profil machiavélique, celui d’un homme fatal qui fait subir à l’héroïne les tourments d’ordinaire plutôt réservés aux hommes. Dès les premières séquences, leur relation se noue au fur et à mesure que Webb (comme web, « toile d’araignée » en anglais), dans son uniforme de policier, répète ses visites de prétendue courtoisie à Susan, gagnant à chaque fois un peu de terrain, occupant d’abord le pas de la porte, puis le couloir, la cuisine, le salon, jusqu’à ce que le piège se referme. On serait tenté de faire le lien avec Le voyeur de Michael Powell (où un jeune homme assassinait avec sa caméra les femmes qui l’obsédaient), mais les motivations de notre Rôdeur dévient dans la seconde moitié du film, prenant un virage inattendu.
Pour incarner ces amants maudits, on retrouve dans le premier rôle le méconnu Van Heflin ; l’épouse de John Huston, Evelyn Keyes, interprète sa proie ; et Dalton Trumbo prête sa voix au mari, trompé pendant qu’il anime son émission de radio. Même s’il devait se cacher sous un pseudonyme pour pouvoir travailler (toujours la chasse aux sorcières), le scénariste n’a pas résisté à l’envie d’imposer sa voix, tel un Docteur Mabuse, rappelant qu’il supervise tout !

Le DVD :
Les suppléments :

Le DVD sort chez Wild Side accompagné d’un agréable documentaire de vingt-cinq minutes, où témoignent des spécialistes et des proches. Vous trouverez aussi un beau livret de 80 pages rédigé par Eddie Muller, président de la « Film Noir Foundation », qui vous éclairera sur le film et le genre mythique auquel il appartient.

L’image :

L’image est restaurée aussi brillamment que possible, rendant ainsi hommage au sublime noir et blanc du directeur de la photo, Arthur Miller (Qu’elle était verte ma vallée, L’étrange Incident), dont Le rôdeur est le dernier film.

Le son :

Pour le son, pas le choix : c’est la VOST. Mais saluons tout de même le travail impeccable qui a été effectué sur la piste mono d’origine qui est claire et d’une jeunesse étonnante au vu de l’âge du film.

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