Le 29 août 2025
Après un premier film absolument réussi Les magnétiques, Vincent Maël Cardona se perd dans une course mortifère après un billet de loterie, où les acteurs s’agitent vainement, pour ne pas dire désespérément.
- Réalisateur : Vincent Maël Cardona
- Acteurs : Maria de Medeiros, Pio Marmaï, Nemo Schiffman, Sofiane Zermani, Panayotis Pascot , Lucie Zhang, Joseph Olivennes
- Genre : Drame, Thriller
- Nationalité : Français
- Distributeur : StudioCanal
- Durée : 1h47mn
- Date de sortie : 27 août 2025
- Festival : Festival de Cannes 2025
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Résumé : Un homme est mort au Roi Soleil, un bar-pmu à Versailles. Il laisse un ticket de loto gagnant de plusieurs millions d’euros. En s’arrangeant un peu avec la réalité et leur conscience, les témoins du drame pourraient repartir avec l’argent... Et si la vérité n’était qu’un scénario bien ficelé ?
Critique : Pourtant, le début est juste flamboyant. Le réalisateur raconte comment, en pleine déroute de l’État, à Versailles, le fameux Giacomo Girolamo Casanova vient présenter à Louis XV la solution miracle aux problèmes économiques de la France : l’invention de la loterie. On sourit alors intérieurement en ne pouvant s’empêcher de faire le lien avec la situation actuelle des finances publiques françaises qui ne parviennent plus à trouver une issue à leur irrémédiable déséquilibre. Puis, immédiatement, le propos plonge en pleine période contemporaine avec un jeune trader désinvolte et sans scrupule, décidé de faire la cour à un stagiaire dans une des chambres royales. Il est immédiatement chassé du luxueux Palais Royal, ce qui l’amène en fin de nuit, dans un café parisien, "Le Roi Soleil" qui justement donne son nom au film. Le rythme était enjoué, décalé, volontairement provoquant, et annonçait une œuvre absolument détonante. Mais hélas, le cinéaste s’installe pendant près de deux heures dans l’espace clos de ce bar, autour d’une myriade de personnages en perte de sens, où il oublie tout simplement de faire du cinéma.
On n’a rien contre une théâtralisation assumée du récit cinématographique. Nombreux réalisateurs s’y sont brillamment essayés, sauf que pour cela, il faut des acteurs à l’aise avec le genre. Et ce n’est pas du tout le cas. Tous, à commencer les pourtant excellents Pio Marmaï et Sofiane Zermani, s’enferment dans une longue, très longue suite de grimaces, comme pour compenser un scénario évidé de toute force. Car il ne suffit pas de crier, de s’agiter, de pleurnicher pour rendre le propos intéressant. Il faut avoir une histoire, un souffle qui tiennent le spectateur et les comédiens en haleine pendant plus de deux heures.

- Copyright Emmanuelle Jacobson-Roques - Srab Films - Easy Tiger
Dans la première heure, au moment où Vincent Maël Cardona présente ses personnages, il faut reconnaître un certain brio : il fait allusion aux œuvre d’Aristote et notamment à une réflexion du philosophe sur ce qui fait la différence entre le réel, le possible et le vraisemblable. Formidable invitation à penser, d’autant plus, hélas, que ce film ne parvient jamais à se stabiliser dans l’un ou l’autre, tant rien ne semble plausible. Pourtant, la mise en scène tente de répéter les scènes, suivant le point de vue des personnages, puis suivant la réalité qu’ils voudraient communiquer à l’extérieur de ce petit théâtre cruel, mais rien n’y fait. On s’enlise dans une sorte de macabre descente en enfer entre des couloirs interminables qui traversent Paris et l’espace clos de ce bar tabac.
Le Roi Soleil s’appuie pourtant sur des ressors scénaristiques tout à fait intéressants. En effet, derrière cette histoire de billet de loterie où un heureux habitué s’aperçoit qu’il a remporté une somme très importante, le film déploie une réflexion passionnante sur le rapport à l’argent, et surtout ce qui conduit des millions de personnes à espérer de manière irrationnelle de gagner un jour le trésor promis. Mais les rebondissement s’empilent de façon exagérée, faisant perdre au récit toute sa tonalité sarcastique et originale. On finit par prévoir l’accélération des accidents qui n’en sont plus, jusqu’à cette fin où le spectateur reprend son souffle. De fait, les personnages cèdent alors à des portraits très archétypaux, où ils ne se démarquent pas tant par leur personnalité que le jeu de marionnettes auquel on les adonne.

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Le Roi Soleil ne sait plus se positionner entre des genres très différents : la farce cynique, la comédie ou le drame teinté de violences. On aurait préféré que la mise en scène assume en premier lieu le grotesque des situations et appuie sur le rire. Mais les effets d’image comme les flous, les ralentis, la répétition à l’infini des scènes, donnent à penser qu’au contraire, Vincent Maël Cardona a bâti un objet de cinéma très sérieux. La photographie très huilée atteste d’une volonté de faire un film visuel avant tout, qui joue avec l’exiguïté des espaces. Or, cette quête esthétique va à l’encontre du propos résolument cynique et décalé qui pourtant aurait pu constituer la matière centrale de la fiction.
Dans tous les cas, les réflexions lancées par Vincent Maël Cardona sur la mécanique commerciale du Loto est passionnante. Il raconte par exemple la course effrénée à l’achat de tickets dès lors que la somme espérée atteint des sommets tout à fait disproportionnés pour la vie d’un seul homme. En ce sens, Le Roi Soleil interpelle à juste titre le spectateur sur le fantasme que chacun a pu vivre un jour en se projetant dans la victoire du gros lot. Mais évidemment, ces victoires sont une fable quand on les rapporte au nombre de ceux qui ont joué et perdu. L’irrationalité gagne alors les personnages qui ne peuvent plus échapper à l’absurdité d’un destin où ils se sont rêvés riches.
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