Le 9 mars 2025
Un documentaire choc qui ne traite pas tant de la question artistique en Égypte que du désir d’émancipation d’un groupe de jeunes filles qui revendiquent leur liberté à travers des spectacles de rue. Un documentaire à la fois réjouissant et inquiétant sur la condition actuelle de la femme en dans ce pays.


- Réalisateurs : Nada Riyadh - Ayman El Amir
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français, Danois, Égyptien, Saoudien, Qatari
- Distributeur : Dulac Distribution
- Durée : 1h42mn
- Titre original : Rafaat Einy LL Sama
- Date de sortie : 5 mars 2025
- Festival : Festival de Cannes 2024

L'a vu
Veut le voir
Résumé : Dans un village du sud de l’Égypte, une bande de jeunes filles se rebelle en formant une troupe de théâtre de rue. Rêvant de devenir comédiennes, danseuses et chanteuses, elles défient leurs familles coptes et les habitants de la région avec leurs performances audacieuses.
Critique : Elles sont cinq filles, alignées comme les doigts dans une main. L’une met en scène ses camarades, pour des spectacles de rue qui dénoncent avec force la violence de la société patriarcale et machiste égyptienne. Sauf qu’elles-mêmes, peu à peu, se disloquent, rattrapées par la normalisation masculine, les mariages forcés et la perte d’indépendance. Les filles du Nil a été à juste titre salué par la critique cannoise pour à la fois évidemment la qualité du documentaire, mais aussi la justesse du propos, tenu jusqu’à la fin par des jeunes femmes qui tentent de résister à la domination des hommes.
- Copyright Dulac Distribution
Le spectateur ressort de ce film à la fois rassuré que des adolescentes luttent grâce à leur art pour faire droit à leur dignité de femmes, mais aussi désespéré par la puissance de la gente masculine à étendre sa domination et à l’inscrire dans les esprits. Car même les spectatrices qui viennent assister à leurs spectacles de rue refusent de les regarder jusqu’au bout, comme si les cris qu’elles poussent étaient des injures à ce qu’elles ont intériorisé en matière de domination. Les hommes qui parsèment le récit sont des caricatures d’eux-mêmes, à l’exception d’un père un tant soit peu lucide qui tente de raccrocher sa fille à sa passion du théâtre de rue, qu’elle a abandonné pour un amant insupportable de machisme.
Les filles du Nil est un documentaire assez rare pour montrer la sincérité de jeunes femmes égyptiennes au service de leur indépendance morale et intellectuelle. Le duo de cinéastes, Nada Riyadh et Ayman El Amir, s’engage corps et âme dans ce témoignage en faveur d’une Égypte libre et émancipée. Eux-mêmes ont subi dans leur parcours d’artistes le conservatisme qui les a largement brimés dans leurs rêves de création. Ces jeunes filles qui se rêvent metteuses en scène, comédiennes ou chanteuses sont d’abord d’infatigables héroïnes politiques jusqu’à ce que le réel s’empare de leur combat et les ramène, pour au moins deux d’entre elles, à la privation, l’assujettissement à des relations conjugales contraintes ou la maternité et la patriarcat tout-puissant. Heureusement, et c’est la leçon du film, la relève n’est pas loin parmi les petites filles qui assistent inlassablement aux répétitions de leurs aînées.
- Copyright Dulac Distribution
Nada Riyadh et Ayman El Amir filment avec beaucoup d’amour ces filles enchanteresses. Ils portent leur projet de liberté et d’émancipation, au plus près de leur quotidien. Les hommes d’ailleurs cèdent naturellement à des comportements machistes ; on imagine du coup qu’ils doivent être bien pires dans la vie normale, quand ils ne sont pas pris au piège de la caméra. La musique devient une fabrique généreuse de leur liberté qu’elles brandissent comme un étendard sous la lumière de l’Égypte, à l’instar peut-être de ces étudiantes à quelques milliers de kilomètres qui ont bravé les Iraniens en se dévoilant. Justement, les réalisateurs évitent le stéréotype de la femme musulmane, en présentant des jeunes femmes toutes issues de la religion chrétienne. C’est dire en réalité que la domination des femmes n’est pas une question religieuse, mais un phénomène sociologique redoutable que les courants religieux peuvent corroborer.
Quand le film se termine, on est déjà en peine de devoir quitter ces cinq filles du Nil, sans espoir d’avoir de leurs nouvelles. Pour celle qui se rêve metteuse en scène, on comprend qu’elle va quitter son village pour entamer un cursus de formation artistique. Mais les autres resteront dans ce bout de terre d’une autre époque où la domination des hommes prive le rayonnement de tout un pays sur le monde. Les filles du Nil est une œuvre vivante et percutante qui ouvre des espoirs, mais hélas en éteint d’autres, face à un monde où l’orgueil masculin n’est pas prêt de disparaître.
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.