Le 15 avril 2025
Fins connaisseurs de leur sujet, Fabio Grassadonia et Antonio Piazza offrent un thriller un brin convenu dans le scénario et le style mais qui mérite le détour pour son efficacité, ses digressions et son interprétation.


- Réalisateurs : Fabio Grassadonia - Antonio Piazza
- Acteurs : Barbara Bobulova, Elio Germano, Toni Servillo, Fausto Russo Alesi, Antonia Truppo, Tommaso Ragno, Roberto De Francesco , Daniela Marra, Giuseppe Tantillo, Betti Pedrazzi
- Genre : Drame, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters
- Nationalité : Italien
- Distributeur : Les Films du Losange
- Durée : 2h10mn
- Titre original : Iddu (Sicilian Letters)
- Date de sortie : 16 avril 2025
- Festival : Festival de Venise 2024

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Résumé : Sicile, au début des années 2000. Après plusieurs années de prison pour collusion avec la mafia, Catello, homme politique aguerri, a tout perdu. Lorsque les services secrets italiens sollicitent son aide pour capturer son filleul Matteo, le dernier chef mafieux en cavale, Catello, saisit l’occasion pour se remettre en selle. Homme rusé aux cent masques, illusionniste infatigable qui transforme la vérité en mensonge et le mensonge en vérité, Catello entame une correspondance improbable et singulière avec le fugitif, cherchant à profiter de son vide affectif. Un pari qui, avec l’un des criminels les plus recherchés au monde, comporte un certain risque...
Critique : Lettres siciliennes, présenté à la Mostra de Venise 2024, apparaît rétrospectivement comme le dernier volet d’une trilogie de la mafia réalisée par Fabio Grassadonia et Antonio Piazza. Les deux premiers avaient été montrés à la Semaine de la Critique : il s’agissait de Salvo (2013) et de Sicilian Ghost Story (2018), qui empruntait la voie de l’onirisme et les codes du teen movie pour relater une sombre histoire d’enlèvement. Davantage réaliste, Lettres siciliennes ne se veut pourtant pas la reconstitution du parcours d’un chef de la Cosa nostra, les scénaristes et réalisateurs ayant tenu à injecter une dose fictionnelle. Il n’en demeure pas moins que la traque de Matteo Messina Denaro (1962-2023), inspirée de faits réels, est au cœur de la narration, même si le personnage central est celui de son parrain (sans jeu de mots), Catello Palumbo, ex-maire sorti de prison, que les services secrets utilisent pour retrouver la trace de Denaro. Concernant ce dernier, Fabio Grassadonia précise dans le dossier de presse : « Ce personnage emblématique est devenu celui qui éclaire notre environnement social, culturel et anthropologique. Il est le symbole d’une fatalité au sein de laquelle nous devons trouver un moyen de survivre ».
- © Photo : Giulia Parlatto / 2024 Indigo Films, Rai Cinema, Les Films du Losange. Tous droits réservés.
Loin d’être fascinés par celui que d’aucuns ont surnommé « Le Dernier Parrain », et qu’interprète avec une retenue louable Elio Germano, les auteurs montrent « la banalité du mal » que semble incarner ce gangster traqué pendant plusieurs années. En parallèle, la personnalité de Catello, plus ambiguë, révèle une fausse bienveillance, une hypocrisie et un opportunisme qui semblent cacher de réelles fêlures. Toni Servillo, acteur fétiche de Sorrentino, lui apporte toute sa puissance histrionique, dans une composition digne des Sordi ou Manfredi d’antan. Le récit policier auquel on assiste ne brille pas par son originalité, mais a le mérite d’éviter les conventions du genre (explosions, scènes de vengeance…) inhérentes au film de mafia. Le long métrage vaut surtout pour ses digressions. Ainsi les échanges entre Catello et son épouse (Betti Pedrazzi), par leur mélange de drôlerie et de cynisme, font écho aux grands moments de la comédie italienne. Les femmes sont d’ailleurs essentielles dans la narration, et témoignent d’une forte personnalité, loin de jouer les potiches : c’est également le cas de Lucia (Barbara Bobulova), qui héberge Denaro ; Stefania (Antonia Truppo), déterminée à sortir des vérités ; ou l’inspectrice Mancuso (Daniela Marra), qui doit s’imposer dans un univers masculin.
- © Photo : Giulia Parlatto / 2024 Indigo Films, Rai Cinema, Les Films du Losange. Tous droits réservés.
Mais le meilleur de ces Lettres siciliennes réside dans ces quelques séquences irréalistes, comme celle où Catello entre dans un musée et découvre Matteo sous verre, exposé telle une statue antique… Bref instant de cauchemar éveillé. On louera par ailleurs des seconds rôles bien croqués (Fausto Russo Alesi et Tommaso Ragno en policiers corrosifs) et un travail sur les couleurs bien mené. Antonio Piazza indique ainsi à propos du directeur photo : « Luca Bigazzi travaille l’image et la lumière de façon intense et extrême, parce qu’il n’ajoute aucune lumière artificielle. Il travaille à partir de la lumière de la scène. Ce qui est parfait pour le réalisateur car on peut changer le cadre comme on veut sans casser l’installation pour la prise de vue. La lumière est toujours prête car, en cas de changement, elle exige juste quelques brefs et rapides ajustements ». En dépit de ces qualités techniques et artistiques, Lettres siciliennes souffre quelque peu d’une mise en scène impersonnelle, loin des sommets du genre que constituèrent Gomorra de Garrone, Le traître de Bellochio et, bien sûr, la fameuse trilogie de Coppola. Cela n’empêche pas de voir ce film honorable et efficace qui permet de passer un bon moment.
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