Le 14 mai 2025
Le second long métrage de Mascha Schilinski est inclassable et ambitieux mais aurait mérité une plus grande épure dans la mise en scène.


- Réalisateur : Mascha Schilinski
- Acteurs : Lucas Prisor, Luise Heyer, Susanne Wuest, Lena Urzendowsky, Lea Drinda
- Genre : Drame, Film pour ou sur la famille, Chronique familiale
- Nationalité : Allemand
- Distributeur : Diaphana Distribution
- Durée : 2h29mn
- Festival : Festival de Cannes 2025

L'a vu
Veut le voir
– Festival de Cannes 2025 : Sélection officielle, En compétition
– Festival de Cannes 2025 : Prix du Jury
Résumé : Quatre jeunes filles à quatre époques différentes. Alma, Erika, Angelika et Lenka passent leur adolescence dans la même ferme, au nord de l’Allemagne. Alors que la maison se transforme au fil du siècle, les échos du passé résonnent entre ses murs. Malgré les années qui les séparent, leurs vies semblent se répondre.
- © Festival de Cannes 2025
Critique : Cest une fresque monumentale. Celle de quatre générations de jeunes filles qui assistent, impuissantes, à une succession de morts suspectes que les anciens assimilaient à des accidents de travail, comme si les fantômes du passé ne pouvaient plus se retirer des murs qu’ils habitent. Sound of Falling se déroule ainsi dans plusieurs temporalités, simplement séparées par le bruit sensible d’une eau qui coule depuis le haut d’une falaise ou d’un grésillement à peine audible. Alors les images se brouillent, et le spectateur se retrouve propulsé dans un autre temps, marqué par la modernisation des lieux, l’arrivée de l’électricité ou le changement des costumes. En ce sens, le projet monumental de Mascha Schilinski est de décrire et analyser la manière dont les maisons de famille anciennes renferment des secrets plus ou moins refoulés mais qui continuent d’influencer insidieusement le destin des gens.
- © Fabian Gamper - Studio Zentral
Quatre personnages féminins sont le témoin de ces passages de relai morbides, à commencer par Alma, une petite fille dont on comprend très vite qu’elle est le sombre reflet d’une autre enfant disparue mystérieusement à sept ans. La faucheuse rôde en permanence dans les champs qui entourent la demeure ou les pièces de la maison avec son lot de secrets dramatiquement enfouis dans l’inconscient.. On ne comprend pas tout, sinon que la guerre est passée par là avec ses estropiés qui ont échappé à l’embrigadement dans les rangs de l’armée, une frontière meurtrière qui a pu séparer l’Allemagne de l’Est et celle de l’Ouest, et l’arrivée de la technologie. Mais le temps historique n’est semble-t-il rien, en comparaison du microcosme familial qui réécrit inconsciemment les traumatismes du passé. Les évènements alors se répètent, chargés de l’odeur mortifère d’hier.
Sound of falling est une œuvre complexe, qui ne révèle qu’une infime partie des mystères qu’elle recèle. Au prime abord, le propos est déroutant, confus, avec une succession de personnages dont on ne parvient pas à établir les connexions. Mais peu à peu, les évènements se répondent les uns les autres, et la façon dont la réalisatrice imprime ses images d’objets et de paysages qui viennent lentement donner du sens aux évènements qui se déroulent sur l’écran. Si le talent de Mascha Schilinski est incontestable, rappelant par bien des aspects la plume volubile de Claude Simon ou plus largement les influences du nouveau roman, un peu plus de simplicité n’aurait pas été de trop. En effet, à force de mêler les époques, les noms et les traumatismes, le spectateur risque de s’épuiser et de s’égarer dans le labyrinthe souvent nébuleux de la pensée de la réalisatrice.
- © Fabian Gamper - Studio Zentral
Comme souvent dans le cinéma allemand, le propos est lourd, chargé d’une Histoire qui continue de hanter l’inconscient germanique. On pressent pendant toute la durée du long-métrage l’emprise des souvenirs sur cette famille qui se débat dans des contradictions sociales et culturelles. Les acteurs passent d’une époque à l’autre, d’un clan à l’autre, avec le sentiment qu’ils habitent les traumatismes des personnages qu’ils ont endossés. L’horreur est perceptible dans les regards, les gestes mais leur incapacité à analyser le présent à l’aune d’un passé qu’ils ignorent. La réalisatrice brosse tous les thèmes liés d’un pays broyé par la culpabilité, comme le handicap, l’inceste, le suicide, et le renoncement à toute forme de bonheur.
Affirmer pourtant qu’on a tout compris serait bien audacieux. Dire aussi qu’on n’a pas trouvé le temps long serait également mentir. Et pourtant, l’ambition de la réalisatrice est indéniable au point volontairement de perdre ses spectateurs dans le flamboiement d’une fresque sociale et familiale où les évènements peuvent échapper à la raison. Il faut saluer le sens de la photographie et du cadrage de la réalisation. On retrouve avec un certain plaisir le goût des plans subjectifs, les focales de la caméra en forme de clés, comme un retour à un cinéma ancien et universel. Mais pour autant, finalement, un effort dans le montage et l’explication n’auraient pas été de trop.
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.