Le 29 décembre 2024
Un récit touchant qui confirme la délicatesse du cinéma de Ray Yeung, parvenant à concilier finesse psychologique et dénonciation des hypocrisies sociales.
- Réalisateur : Ray Yeung
- Acteurs : Tai-Bo, Patra Au, Maggie Li (Li Lin-Lin), Leung Chung-Hang , Hui So-ying, Fish Liew, Rachel Leung Yung-Ting
- Genre : Drame, LGBTQIA+, Film pour ou sur la famille
- Nationalité : Chinois, Hongkongais
- Distributeur : Nour Films
- Durée : 1h33mn
- Titre original : Cong jin yihou
- Date de sortie : 1er janvier 2025
- Festival : Festival de Berlin 2024
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Résumé : Angie et Pat vivent le parfait amour à Hong Kong depuis plus de trente ans. Jamais l’une sans l’autre, leur duo est un pilier pour leurs parents et leurs amis. Au brusque décès de Pat, la place de Angie dans la famille se retrouve fortement remise en question…
Critique : Réalisateur hongkongais, président du Festival du film lesbien et gay de Hong Kong, Ray Yeung a signé plusieurs longs métrages à thématique LGBTQIA+. Le public français a eu l’occasion de découvrir Cut Sleeve Boys (2006, en support vidéo) et surtout Un printemps à Hong Kong (2019). Ce film délicat et mélancolique abordait, sans militantisme ni didactisme, la relation amoureuse entre deux hommes âgés. Présenté avec succès dans la section Panorama du Festival de Berlin 2024, Tout ira bien en est un peu le pendant féminin, mais il ne faudrait pas réduire le long métrage à cette thématique chère au cinéaste. Si elle en est un élément essentiel, le film s’inscrit dans une logique humaniste plus vaste, mettant en avant la noblesse et les ambiguïtés des liens familiaux, dans la lignée des classiques du cinéma asiatique, à commencer par les œuvres de Ozu. Le cadre hongkongais de la narration, pour être central, n’en est pas pour autant exclusif, et le réalisateur tient à préciser sur le site du distributeur Nour Films : « Dans de nombreux pays, la situation est assez similaire, non seulement au niveau financier, mais aussi pour ce qui concerne la propriété et l’héritage. Lorsque votre partenaire est là, vous avez une famille élargie, mais le jour où il disparaît, vous n’êtes plus qu’un ami, voire une simple connaissance, et vous êtes mis à la porte. Je pense que tout le monde peut s’identifier à cette histoire, au chagrin de perdre quelqu’un qui vous est très cher en même temps que votre monde change radicalement, du jour au lendemain ».
- © 2024 New Voice Film Production Ltd. Tous droits réservés.
C’est en effet le sort d’Angie, qui se sent progressivement abandonnée par sa belle-famille dès le décès soudain de sa conjointe. Pourtant, nul manichéisme dans la caractérisation des personnages. La force du scénario est même de rendre attachants tous les protagonistes pendant la première demi-heure (et même au-delà) : le beau-frère bienveillant qui s’est sacrifié pour tenter, vainement, d’assurer un avenir confortable à ses enfants, et semble tolérant vis-à-vis de la situation de sa sœur ; le neveu fauché vouant une réelle admiration à ses deux tantes, qui ne manquent pas de l’aider financièrement ; sa sœur mal mariée qui se confie volontiers à ces deux figures féminines symboles de liberté… Toute cette micro-communauté se plaît à se réunir régulièrement chez Angie et Pat, hôtesses accueillantes qui semblent même garantes de la cohésion familiale. Ces séquences ne révéleraient-elle pas le progressisme apparent la société hongkongaise ? La mort de Pat ébranle tous ces faux-semblants.
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À une homophobie qui jusque-là pas ne s’était pas manifestée pour sauver les apparences, se mêlent des rapports de classe qui complexifient les relations, puisque Angie et Pat ont réussi matériellement, là où la famille de Pat n’a fait qu’accumuler les galères pendant des décennies. Aussi, l’appartement de Pat (dont son frère est par la loi l’héritier, l’absence de testament ne donnant aucun droit à Angie, qui avait pourtant contribué à l’achat du bien immobilier) devient-il le lieu de toutes les convoitises. Dépassant les conventions du film à thèse judiciaire, dénonçant les discriminations dont peuvent être victimes les veufs dans un couple homosexuel, Ray Yeung réalise un portrait de famille glaçant et nuancé, tout en proposant de beaux plans révélateurs d’un classicisme qui refuse l’académisme, et jouant l’ambiguïté, tel ce passage où Angie surprend son beau-frère effondré sur le lieu funéraire de Pat. Il n’est pas superflu d’ajouter que les interprètes sont admirables, avec une mention pour Patra Au et Maggie Li (Li Lin-Lin) qui convoquent le souvenir du duo formé par Martine Chevallier et Barbara Sukowa dans le touchant Deux de Filippo Meneghetti.
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