Le 24 mai 2025
Une farce cruelle, drôle et tragique à la fois, comme seul Jafar Panahi sait le faire. Plus qu’une œuvre de cinéma, un coup de tonnerre en faveur de l’émancipation des femmes et d’une expression libre et démocratique en Iran.


- Réalisateur : Jafar Panahi
- Acteurs : Vahid Mobasheri, Maria Afshari, Ebrahim Azizi
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Iranien, Luxembourgeois
- Distributeur : Memento Distribution
- Durée : 1h45mn
- Date de sortie : 1er octobre 2025
- Festival : Festival de Cannes 2025

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– Festival de Cannes 2025 : Sélection officielle, En compétition
– Festival de Cannes 2025 : Palme d’or, Prix de la Citoyenneté, Prix CinÉduc
Résumé : Ce qui commence comme un accident mineur déclenche une série de conséquences de plus en plus graves.
- © Festival de Cannes 2025
Critique : Ce sont des choses qui arrivent à tout le monde : heurter un chien sur la route et se retrouver quelques centaines de mètres après à devoir faire réparer sa voiture dans un garage de fortune. Voilà ce qui arrive à ce père de famille qui revient d’une soirée avec sa fille et son épouse. L’homme est débrouillard et reçoit de l’aide d’un habitant de la banlieue de Téhéran qui lui demande d’aller chercher une trousse à outils dans un recoin de l’atelier. Sauf qu’au-dessus de sa tête, il y a un autre homme qui téléphone et est alerté par un geste qu’il a connu il y a quelques années et qui va l’amener à commettre le pire.
- © 2025 Jafar Panahi. Tous droits réservés.
Voilà un film dont il difficile d’en faire une analyse critique sans révéler la substance moelle du récit qui recèle bien plus d’une surprise. Jusqu’à la dernière séquence, absolument exceptionnelle, le cinéaste iranien cultive le suspense dans un long-métrage qui est à la fois une farce cynique sur la tyrannie exercée par le régime iranien et ses méthodes d’intimidation, un thriller extrêmement efficace où les victimes deviennent autrices de comportements pervers et inversement, et une comédie où le rire permet de résister au tragique de la situation. On retrouve comme dans beaucoup de films de Panahi une appétence à l’usage d’un véhicule, qui se transforme en un petit théâtre de la cruauté humaine et une fenêtre sur un monde corrompu où chacun impose ses petits abus de pouvoir.
Jafar Panahi a été incarcéré plusieurs mois : on a encore tous en tête le brillant Aucun ours qui, malgré son interdiction de quitter l’Iran, a pu, à distance, être réalisé. Le cinéaste a trouvé refuge en France, ce qui lui a permis de tourner ce film ambitieux et libéré des carcans de la censure, et lui ouvrir une parole plus libre. Certaines voix lui reprochent cette fuite, ce qui est aberrant dans la mesure où, même au nom des libertés d’un pays, sacrifier sa vie, sa famille, son intégrité physique et psychique n’est pas un luxe. Toujours est-il que le combat se poursuit mais différemment. La mise en scène est parfaitement maîtrisée, grâce à une écriture très précise qui fait monter la tension et le suspense jusqu’à la dernière minute.
L’enjeu n’est pas pour Jafar Panahi d’abuser des effets stylistiques que lui offre le cinéma. Il concentre son attention sur le seul jeu des acteurs qui concentre à lui seul toute l’intensité dramatique et comique du film. Chaque posture, chaque mot font la démonstration du renversement du théâtre de la cruauté où le bourreau devient victime et vice-versa. Ce presque huis clos à quelques exceptions près, dans un véhicule, ne recule devant aucun affront à l’Iran et l’Islam politique. La plupart des femmes ont les cheveux découverts, la mise en cause des mouvements islamistes terroristes est directe, et surtout la dénonciation des barbaries et des tortures commises par les autorités ne fait pas de doute.
Le courage de Jafar Panahi est exemplaire après tous ces mois de prison où il a été empêché de créer et de tourner. Notre plaisir est à la hauteur de l’œuvre. Le réalisateur parvient à faire rire du pire, tout en éveillant les consciences à une réalité politique iranienne qui continue inlassablement de broyer son peuple, a fortiori depuis les mouvements étudiants récents. Un simple accident n’est surtout pas un simple film de passage sur les écrans, c’est un chef d’œuvre de courage et d’humanité.
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