Le 10 avril 2025
Ce voyage d’un père et sa fille sur les traces du passé traumatique de leur famille dans les camps d’Auschwitz sonne comme une triste balade dans les pires tourments européens. Un film inégal mais touchant.


- Réalisateur : Julia von Heinz
- Acteurs : Stephen Fry, Iwona Bielska, Tomasz Wlosok, Zbigniew Zamachowski, Lena Dunham
- Genre : Comédie dramatique, Film pour ou sur la famille
- Nationalité : Américain, Français, Allemand, Polonais
- Distributeur : Haut et Court
- Durée : 1h52mn
- Titre original : Treasure
- Date de sortie : 9 avril 2025
- Festival : Festival de Berlin 2024

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Résumé : Une journaliste new-yorkaise propose à son père, rescapé des camps, un voyage en Pologne, son pays d’origine. Elle cherche à comprendre l’histoire de sa famille, tandis que lui n’a aucune envie de déterrer le passé. Un voyage qui s’annonce compliqué !
Critique : Elle est debout dans le hall de l’aéroport et regarde les gens s’embrasser à la sortie de leur avion. Il y a de l’amour, alors qu’elle, elle cherche son père désespérément. Ils ont prévu pourtant d’effectuer un voyage sur les traces de son enfance, en pleine Seconde Guerre mondiale, période où il a perdu ses parents. Elle habite New York et a besoin de voir où il a grandi, et surtout ce qu’est devenu son appartement familial depuis l’arrestation et la déportation dans les tréfonds d’un camp, organisés par les nazis. Voyage avec mon père est donc l’histoire d’une retrouvaille entre une fille, plutôt seule, qui ne se remet pas d’une séparation récente, et un homme âgé, jovial, qui a décidé de ne pas se morfondre sur lui-même et de vivre sa vie avec joie et détachement.
- Copyright Haut et Court
Pendant une heure trente, le spectateur assiste à la reconstruction d’une relation abîmée par la vie, sur fond d’hôtels assez luxueux pour l’époque et de promenades dans des quartiers éteints de la Pologne. Il y a quelque chose de très glauque dans ces paysages vides, ces grands immeubles pour touristes, comme si, depuis des décennies, les habitants avaient déserté ces espaces urbains. La mort hante les lieux, et une immense mélancolie habite les visages. Le couple que forme Ruth et son père est assez à l’image des habitants de Varsovie, manifestement hantés par un passé sinistre et des années de sinistrose sur fond de régime communiste. On est en 1991, période où la Pologne commence à renaître de ses cendres.
Le long-métrage de Julia von Heinz est basé sur une histoire vraie. Le propos hésite entre une grande empathie à l’égard des personnages principaux, et de longues périodes où l’ennui prend le pas sur le récit. Pourtant, l’écriture a pris le soin de dresser deux caractères, très différents, chacun luttant à sa façon contre les démons de son passé. L’héroïne principale demeure un personnage très intéressant. Elle est journaliste à New York, a interviewé les plus grands et, malgré tout, ne parvient pas à se défaire d’une forme de longue déprime, lisible dans les formes rondes de son corps. Le père semble un être plus superficiel même si, derrière ses airs joviaux, on perçoit une immense protection contre lui-même. Il refuse la psychologie, et a fortiori de revenir sur les traces de ses parents disparus tragiquement. Le traumatisme qu’il porte est enfoui en lui, là où il apparaît comme une plaie béante chez sa fille.
- Copyright Haut et Court
Voilà un film aussi exaltant qu’à certains moments morne et sans entrain. La réalisatrice entoure ses protagonistes de personnages sans importance, à l’exception peut-être du chauffeur, qui empêchent le récit de décoller vraiment. Mais la sincérité du personnage féminin, les altercations sensibles avec son père apportent une intensité émotionnelle toute particulière à l’histoire. On est donc face à un long-métrage aussi attachant qu’inégal, même si les quelques longueurs sont largement rattrapées par la sensibilité de l’héroïne en quête d’elle-même. Ruth est interprétée par une Lena Dunham époustouflante, qui habite son rôle jusqu’à avoir pris du poids de façon considérable. Son acolyte, Stephen Fry, ne démérite absolument dans la peau de cet homme qui se protège contre la douleur.
Voyage avec mon père a tout de la belle balade sentimentale et familiale, dans un contexte de reconstruction après le traumatisme de la Shoah. Chacun y trouvera un peu de bonheur, quelques larmes, des souvenirs émus d’une histoire difficile pour le peuple juif, et l’envie surtout de pardonner à ses parents, d’autant quand ils ont été abîmés par la vie. Le rire est plus rare, sans doute parce les douleurs les plus touchantes sont celles qui se racontent avec un peu de décalage.
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