Bac Nord - Cédric Jimenez - critique

Critique : Bac Nord aura agité la Croisette. Il agitera les foules, à sa sortie. En effet, sa puissance ainsi que son sujet alimenteront sans doute des débats houleux, déjà présents à Cannes.

Reprenons : le film possède un grand atout, qui est son écriture. Le scénario est absolument réussi, car il offre relief et densité à une histoire tout à fait haletante. Les enjeux sont forts, clairs, et les dilemmes moraux qui assaillent les personnages ne cessent de leur conférer une vraie profondeur et de créer un attachement émotionnel assez fort. Au-delà du synopsis, qui constitue la base de sa réussite, le niveau d’implication des comédiens qui le servent est assez spectaculaire. Gilles Lellouche, François Civil et Karim Leklou brillent par leur intensité et leur présence physique. Civil en particulier, pour qui l’accent marseillais aurait pu représenter un risque en matière de crédibilité, semble tout droit se diriger vers une carrière immense.

On a donc affaire à un grand film policier. Un grand film tout simplement, avec du souffle, et l’étincelle qu’on retrouve dans les fresques de gangsters et de mafias qu’on a tous en tête. Citer Scorsese n’est pas un hasard. Il y a de cela dans Bac Nord, avec une tension portée à son paroxysme lors d’une scène de siège, la première à avoir été tournée, complètement folle d’intensité, durant laquelle respirer devient une gageure.

© JEROME MACE CHIFOUMI PRODUCTIONS

Le long métrage dresse un constat effrayant, qui pousse à la réflexion sans l’orienter. Le propos affirme sans détour qu’il trouve absurde de confier à trois hommes perdus des missions qu’ils n’ont aucun moyen – légal – de mener à bien. Tout le questionnement du film porte sur le sens du métier de ces membres de la BAC, impuissants, car livrés à eux-mêmes. Ils doivent composer, sans vraiment avoir de soutien. Ils doivent se « démerder ». Le film est donc très dur à l’égard de la police, dans le sens où il appuie sur les failles d’un système qui laisse les professionnels totalement esseulés, et brille même par son hypocrisie au moment où ces failles se révèlent. Nos protagonistes sont les fusibles d’une institution qu’ils servent sans retour. Bac Nord est donc un cri d’alerte. Libre au spectateur d’imaginer les solutions qui lui conviendront : l’œuvre ne force à rien. Elle frappe, secoue, et c’est déjà beaucoup.

© JEROME MACE CHIFOUMI PRODUCTIONS

Toutefois, nous ne manquerons pas de regretter, dans un scénario aussi dense et subtil, un manque de nuance concernant la représentation de la cité, en l’occurrence le quartier des Oliviers. Le film aurait gagné en profondeur s’il avait humanisé la population, dont il est finalement peu question dans le film. Ce choix est lié au point de vue de Bac Nord, certes. Mais en choisissant de ne jamais caractériser le quartier autrement que par les voyous qui le gardent, le long métrage perd en nuance et en potentielle tension dramatique.

Reste un grand succès artistique, qui prouve que la France possède, avec Cédric Jimenez, un maître en matière de film policier – et même plus que cela –.