Classified People - Yolande Zauberman - critique

Critique : Cela démarre sur un visage. Un jeune-homme blanc, vingt-trois ans, filmé de biais, qui roule à travers l’Afrique du Sud, baignée de soleil. Le visage est grave. Celui d’un adolescent encore qui a vu le pire que l’humanité puisse commettre au nom d’une idéologie haineuse. Classified People ressort sur les écrans français, près de trente ans après sa première projection en 1987. Le titre même parle d’un régime qui classifiait les habitants en fonction de leur couleur de peau, cultivant le rejet, la discrimination, comme modèle de société. Les générations d’aujourd’hui pourraient considérer l’apartheid comme un phénomène historique, un non-évènement d’hie ; la reprise au cinéma du documentaire les rappelle à une vérité qui pourrait guetter encore les années futures.

Copyright Shellac Films

Parler de Classified People, c’est avant tout évoquer ce travelling magnifique, filmé depuis une voiture le long des paysages de l’exclusion, des bidonvilles, des cités sinistres, avec en musique de fond, les sonorités jazz de la révolte. On a beau nous expliquer que des femmes et des hommes ont régulièrement voté une loi de la classification raciale, la colère est irrésistible. Le système, en plus de ranger les individus dans des catégories raciales, organisait les enquêtes, les dénonciations, au seul service de la domination des Blancs. Heureusement, des voix de la révolte contre ce dispositif ignoble se sont levées, peut-être de manière insuffisante, quand on sait que le régime a perduré pendant plus de quarante-trois ans.

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Classified People fait froid dans le dos. On mesure le courage de Yolande Zauberman à aller au plus près des personnes, à filmer l’absurdité d’un système politique qui classifie même des citoyens blancs comme noirs, sous prétexte qu’ils ont aimé une femme de couleur ou qu’ils présentent telle caractéristique physique. La couleur, la lumière, très modernes, concourent à un projet atemporel, universel, mettant le spectateur dans la situation d’un monde qui pourrait faire le pari hideux du fascisme et de la discrimination gratuite. Sans le savoir, en 1987, Yolande Zauberman s’engageait déjà sur un projet tout autant esthétique que politique qui continuerait des années après à résonner comme un avertissement contre le totalitarisme de la pensée.

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Ce premier moyen-métrage brillant annonce déjà l’immense cinéaste que sera Yolande Zauberman. Autant réalisatrice de fiction que documentariste, elle imprime une marque nouvelle dans le cinéma français, entre le militantisme et l’imaginaire. Classified People est une grande œuvre de cinéma qui raconte le regard imitable que sa caméra porte sur la vie.