Le 22 mai 2025
Si la photographie, le cadrage et le montage apportent au film un vrai sens de la nouveauté, le scénario hélas s’enlise dans les tourments névrotiques d’une héroïne, pour ne pas dire mélodramatiques, dont il n’a pas grand chose à faire.


- Réalisateur : Alex Lutz
- Acteurs : Jacques Gamblin, Mélanie Thierry, Clémentine Célarié, Grégory Montel, Bastien Bouillon, Bruno Sanches, Marco Luraschi, Eliot Giraud
- Genre : Drame
- Nationalité : Français
- Distributeur : StudioCanal
- Durée : 1h52mn
- Date de sortie : 10 septembre 2025
- Festival : Festival de Cannes 2025

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Résumé : Issue d’un milieu modeste, Hélène a quitté depuis longtemps les Vosges. Aujourd’hui, elle a la quarantaine. Un burn out brutal l’oblige a quitter Paris, revenir là où elle a grandi, entre Nancy et Épinal. Elle s’installe avec sa famille, retrouve un bon travail, la qualité de vie en somme… Un soir, sur le parking d’un restaurant franchisé, elle aperçoit un visage connu, Christophe Marchal, le bel hockeyeur des années lycée. Christophe, ce lointain objet de désir, une liaison qu’Hélène n’avait pas vue venir... Dans leurs étreintes, ce sont deux France, deux mondes désormais étrangers qui rêvent de s’aimer. Cette idylle, cette île leur sera-t-elle possible ?
- © Festival de Cannes 2025
Critique : Il y a la voix susurrée du bout des lèvres d’Hélène qui démarre le film et va ainsi l’accompagner jusqu’à la séquence finale, comme l’expression d’une psychothérapie engagée où il est question d’ennui, d’amour, de désir et de vacuité de l’existence. Elle traverse ce qu’on appelle la crise des quarante ans. Elle vient de subir un burn out qui va la contraindre à fuir Paris pour la région Grand-Est dont elle est originaire, avec son mari apparemment fortuné mais silencieux. Heureusement, elle est tout de suite accueillie comme consultante dans un cabinet de conseil local dont le patron est un ami d’enfance. La vie est bien faite quand même ! Du fracas parisien, elle se retrouve dans la quiétude bourgeoise d’une existence où elle peine à y trouver un sens. Mais, par un hasard qui n’en est pas, elle est remise sur le chemin d’un petit copain d’adolescence qu’elle n’avait jamais vraiment oublié.
- Copyright 2025 INCOGNITO PICTURES - SUPERMOUCHE PRODUCTION - STUDIOCANAL - Jean-François Hamard
Connemara rappelle dans les grandes lignes le film Partir un jour d’Amélie Bonnin qui a ouvert le Festival de Cannes 2025. La comparaison est frappante, d’autant que Bastien Bouillon (formidable acteur d’ailleurs) incarne aussi le vieux copain d’adolescence dont l’héroïne tombe amoureuse, même si le film d’Amélie Bonnin est largement supérieur, avec ses petits airs rohmériens et la légèreté d’une comédie. Alex Lutz s’engage en effet dans un drame pesant, ce qui ne lui confère aucun pas de côté, aucun esprit critique sur le comportement de son héroïne qui ressemble moins à une tragédienne grecque qu’une Emma Bovary moderne, suffisante et peu attachante. Pour reprendre le prénom absurde donné à l’une des enfants d’Hélène, le film ne fait absolument pas mouche !
On aurait pu accepter le principe que le film soit surtout très ironique, à la manière de Gustave Flaubert qui se raillerait d’un personnage féminin hautement névrosé, insatisfait et agaçant et pour elle-même, et pour ses proches et les spectateurs. Le problème du coup repose sur le choix du montage, du cadrage et de la photographie, très fouillé et original, mais qui n’apporte au film aucune dimension tragi-comique ou critique. La forme confirme bien qu’il s’agit d’un drame sérieux, dans lequel le spectateur doit nécessairement fondre d’empathie pour l’héroïne et s’apitoyer sur son sort. On se croirait parfois dans du mauvais Marguerite Duras écrit pour les Nuls. Les tourments mélancoliques d’Hélène nécessitaient-ils toute cette batterie d’effets esthétisants, de phrases pompeuses lues hors-champ ? La réponse est évidemment négative dans la mesure où tout ce fatras cinématographique dessert parfaitement le sens du roman de Nicolas Mathieu dont il est issu et discrédite le projet d’Alex Lutz.
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Une nuit qui était construit sur une idée plutôt originale, souffrait des mêmes travers esthétiques. On imagine que l’objectif du réalisateur n’est surtout pas de survaloriser son talent, mais, hélas, le spectateur ressort de ces presque deux très longues heures avec le sentiment que s’il n’est pas sensible à ces tournoiements stylistiques, c’est qu’il n’a rien compris à l’art. Connemara apparaît comme un film aguicheur, prétentieux, que les comédiens parviennent toutefois à sauver à minima. Mélanie Thierry et Bastien Bouillon sont tous les deux formidables dans l’interprétation de ces quadragénaires en crise de jeunesse perdue, tout comme l’ensemble des seconds rôles. Seul bémol peut-être, le jeu de Clémentine Salarié qui en fait des tonnes dans la peau d’une mère fatiguée et inquiète.
Alors, pourquoi pleure-t-on autant dans le cinéma français ? Pourquoi les réalisateurs ont-ils autant besoin de s’apitoyer sur des tourments névrotiques, pour ne pas dire narcissiques ? Parfois, un certain cinéma français laisse le sentiment que nous ne sommes toujours pas sortis de la Nouvelle Vague qui n’a plus rien de révolutionnaire en 2025. Après Une nuit on a peine de penser qu’Alex Lutz est meilleur comédien (notamment au théâtre) que réalisateur. Il ne suffit pas pour faire du cinéma ; d’avoir des bons acteurs, des moyens financiers conséquents. Il faut d’abord avoir quelque chose à dire sur le monde. Et justement Connemara ne dit rien sur la vie, la société, l’amour. Il ne fait qu’espérer secrètement que la chanson de Michel Sardou, courue d’avance dans le titre, arrive très vite pour que ce drame s’arrête le plus vite possible.
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