Le 20 mai 2025
En allant sur les pas du livre de Clémentine Autain qui traitait de la disparition précoce de sa mère, Romane Bohringer réécrit l’histoire de la sienne, dans un récit pudique, généreux et incandescent.


- Réalisateur : Romane Bohringer
- Acteurs : Romane Bohringer, Josiane Stoléru, Clémentine Autain
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Français
- Distributeur : ARP Sélection
- Durée : 1h32mn
- Date de sortie : 3 décembre 2025
- Festival : Festival de Cannes 2025

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– Festival de Cannes 2025 : Sélection officielle, Hors compétition, Séance spéciale
Résumé : Romane décide d’adapter pour le cinéma le livre de Clémentine Autain consacré à sa mère. Ce projet va l’obliger à se confronter à son passé et à sa propre mère qui l’a abandonnée quand elle avait neuf mois.
- © Festival de Cannes 2025
Critique : L’amour flou, le premier film de Romane Bohringer, faisait entrer le spectateur dans sa maison à Montreuil où l’actrice et cinéaste dépeignait sa propre dislocation conjugale, dans un style gai et aérien. Ici, elle emprunte une tonalité plus grave pour aller à la rencontre des rares souvenirs qu’elle a de sa mère grâce au livre de Clémentine Autain qu’elle découvre à l’occasion d’une émission littéraire à la télévision. Dites-lui que je l’aime s’affiche comme une œuvre très personnelle, un docu-fiction qui, en même temps qu’elle révèle aux spectateurs le visage d’une mère disparue très jeune, crée un objet d’art universel et sensible.
La cinéaste s’évertue à ne jamais laisser place à l’impudeur. Nous ne sommes pas dans un discours psychanalytique, auto-centré. Le long-métrage déroule pour chacun des spectateurs la manière dont nous sommes tous porteurs d’un passé familial, affectif, sans en maîtriser les tenants et aboutissants, tout en veillant à ce qu’ils ne nous détruisent pas. En ce sens, Romane Bohringer tisse un récit universel, qui s’illustre dans le pas de côté très sensible de la lecture que Clémentine Autain fait de son propre livre. Il n’y a pas de jeu possible car on entre dans la chair réelle de son histoire. Ni Céline Sallette, ni Elsa Zylberstein, ni Julie Depardieu ne seront capables d’endosser le rôle de la députée, car seule une parole authentique, sortie des racines du cœur, compte à l’instant du texte.
- Copyright Escazal Films
Romane Bohringer prend le risque du dévoilement en allant sur le chemin de sa mère. Elle fait jouer son fils, filme son père vieillissant qui marche dans une allée, montre des lettres qu’elle a reçues ou encore deux demi-frère et sœur tout juste rencontrés à l’occasion de son film. Mais la cinéaste ne franchit jamais les limites du voyeurisme. Sa caméra est d’une justesse incroyable, avec une générosité douce qui coule depuis l’œil qui capte les émotions et les images. Le spectateur est plongé dans un film tout sauf impudique. Les confidences des uns et des autres, les prises de vue témoignent d’un soin permanent à ne jamais juger, critiquer, brutaliser celle ou celui, même décédé, qui accepte de mettre son image sur un grand écran. Le temps est à l’amour, la générosité, la douceur et la fluidité d’une parole qui se révèle intègre, profonde et belle.
Il faut noter la très jolie place qui est laissée à Richard Bohringer. L’homme est montré vieillissant, avec un visage plein, jamais dégradé. On pense évidemment aux débuts de Romane Bohringer au cinéma et à l’admiration que son père ne se cachait pas pour sa fille. Le désir de transmission est manifeste, d’autant plus quand Romane apprend à son enfant à se grimer avec un bouchon de liège brûlé pour qu’il endosse le rôle d’un inspecteur chargé de l’aider dans cette enquête. Si bien sûr elle joue avec les limites entre la femme publique qu’elle est et son intimité familiale, la force du film demeure dans le fait qu’il n’y a jamais d’outrance et que le spectateur est contraint de respecter cette frontière fragile entre le personnel et le public.
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Dites-lui que je l’aime emporte le spectateur dans le secret d’une mère qui a souffert, qui s’est brûlé les ailes dans les excès mais qui offre la possibilité pour sa fille de faire un cadeau de cinéma. En effet, c’est cette disparition qui donne l’occasion à Romane Bohringer de créer un long-métrage, et sans elle, il n’y aurait pas eu ce moment inouï de grâce où elle accepte de donner un spectateur un bout d’elle-même. La plus grande des écrivaines de l’autofiction, Christine Angot, s’invite à sa manière dans ce film, aux côtés de Clémentine Autain. C’est heureux car plus que jamais, les trois femmes prouvent que de son histoire personnelle, on peut fabriquer de l’art vivant, universel et lumineux.
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