Le 8 juillet 2025
Après le très désespéré Jeunesse (Les tourments), Wang Bing ouvre une page plus joyeuse du retour au pays des ouvriers. Sans doute pour montrer à travers ce dernier volet de la trilogie que l’espoir est possible face aux conditions de travail désastreuses qui leur sont imposées.


- Réalisateur : Wang Bing
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français, Luxembourgeois, Néerlandais
- Distributeur : Les Acacias
- Durée : 2h32mn
- Titre original : Qingchun: Gui
- Date de sortie : 9 juillet 2025
- Festival : Festival de Venise 2024

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Résumé : Le Nouvel An approche et les ateliers textiles de Zhili sont quasi déserts. Les quelques ouvriers qui restent peinent à se faire payer avant de partir. Des rives du Yangtze aux montagnes du Yunnan, tout le monde rentre célébrer la nouvelle année dans sa ville natale. Pour Shi Wei, c’est aussi l’occasion de se marier, ainsi que pour Fang Lingping. Son mari, ancien informaticien, devra la suivre à Zhili après la cérémonie. L’apprentissage est rude mais ne freine pas l’avènement d’une nouvelle génération d’ouvriers.
Critique : On se souvient encore des discussions rudes entre les ouvriers avec leur patron afin d’obtenir leur salaire et de meilleures conditions de travail. Et même à l’aube des fêtes de fin d’année, les propriétaires rechignent encore à rémunérer leurs manouvriers qui n’auront sans doute pas de quoi de payer les retours en famille pour le Nouvel An. Jeunesse (Retour au pays) termine ainsi la trilogie de Wang Bing qui se conclut sur une page plus joyeuse que l’impression laissée avec les deux premiers volets. Plus joyeuse car les fêtes familiales, d’autant plus quand elles sont accompagnées d’un mariage, deviennent enfin peut-être l’occasion, pour les jeunes migrants de provinces éloignées, de s’émanciper de leur travail harassant et retrouver un peu de dignité.
Mais la parenthèse enchantée a vite une fin. Le retour aux ateliers est inévitable. Shi Wei reprend son poste, mais cette fois, avec son mari à qui elle doit apprendre le métier. Les rues sont toujours aussi laides, froides, et l’on se demande pourquoi ces jeunes gens renoncent à la simplicité de leur terre d’origine pour se perdre dans ces enfilades de béton sinistre, et surtout broyer un morceau de leur jeunesse dans les conditions de travail harassantes que leur imposent les employeurs. On imagine bien que la réponse est la même pour tous ces jeunes qui quittent l’Afrique ou l’Afghanistan, pour la France qui est incapable de leur offrir des conditions d’accueil et de vie décentes.
- Copyright 2024 House on Fire - Gladys Glover - CS Production
Après À l’ouest des rails sorti en 2002, Wang Bing réalise de nouveau un documentaire monumental qui dure près de huit heures si l’on met bout à bout les trois volets de Jeunesse. Son ombre est permanente derrière les individus qu’il filme, comme s’il était devenu à sa façon un personnage à côté de ces jeunes ouvriers qui peinent à trouver un sens à leur existence. Ils ne parlent que d’argent, des relations avec leur patron, et rares sont les moments où ils s’accordent un petit moment de détente. La caméra les rejoint quand le couple se promène main dans la main dans les rues noires et désertes, comme un sursaut de plaisir face aux grandes difficultés de leurs vies.
En regardant ces jeunes gens s’user la santé derrière des machines à coudre, on pense plus que jamais que les vêtements ou tissus qu’ils produisent à la chaîne vont être commercialisés en Occident par le biais de plateformes qui pratiquent des prix défiant toute concurrence. Le documentaire doit amener le spectateur à cette prise de conscience qu’en achetant des textiles à bas prix venus de Chine, c’est ce système tout entier d’esclavagisme moderne qu’il cautionne. La jeunesse s’exprime encore dans des jeux sur son téléphone, ou des chamailleries au cœur des ateliers où ils travaillent d’arrache-pied. L’amour aussi survient, même si la nécessité de produire des vêtements prend le pas sur tout le reste, dans la mesure où ils sont théoriquement payés à la pièce.
- Copyright 2024 House on Fire - Gladys Glover - CS Production
La paradoxe est tout entier dans l’une des séquences centrales du documentaire où l’on voit la famille déjeuner sous la photographie géante du président chinois, de surcroît chef du Parti communiste. On saisit le contraste en deux mondes : d’une part un régime qui défend une idéologie officielle, d’autre part des parents qui envoient leurs adolescents dans des provinces étrangères pour bénéficier de ressources. Les jeunes, reclus dans les ateliers, s’inventent alors des existences nouvelles, liés par une forme de fraternité puissante.
Jeunesse (Retour au pays) apparaît comme le volet le plus abouti de la trilogie. Le cinéaste raconte une histoire avec ces couples qui se forment au milieu des ateliers. La promesse d’une vie meilleure tend à se profiler avec cette génération qui a appris à mieux s’imposer, même si les patrons finissent toujours par avoir le dernier mot. Comme dans Jeunesse (Le printemps) et Jeunesse (Les tourments), Wang Bing récompense la patience du spectateur d’avoir regardé pendant plusieurs heures ces scènes du quotidien d’ouvriers chinois, avec une fin magnifique qui ouvre le propos sur des horizons nouveaux. La vraie vie s’invite alors véritablement dans ce retour au pays, auprès des personnes qu’on aime.
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