Le 25 novembre 2025
Un dispositif cohérent et rigoureux, au service d’une vision humaniste chère à Kaouther Ben Hania, qui livre ici son film le plus touchant.
- Réalisateur : Kaouther Ben Hania
- Acteurs : Clara Khoury, Amer Hlehel, Motaz Malhees, Saja Kilani
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Tunisien
- Distributeur : Jour2fête
- Durée : 1h29mn
- Titre original : Sawt Hind Rajab
- Date de sortie : 26 novembre 2025
- Festival : Rencontres cinématographiques de Cannes, Festival de Venise 2025, Festival La Roche-sur-Yon 2025
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Résumé : 29 janvier 2024. Les bénévoles du Croissant-Rouge reçoivent un appel d’urgence. Une fillette de six ans est piégée dans une voiture sous les tirs à Gaza et implore qu’on vienne la secourir. Tout en essayant de la garder en ligne, ils font tout leur possible pour lui envoyer une ambulance. Elle s’appelait Hind Rajab.
Critique : Réalisatrice tunisienne, Kaouther Ben Hania a toujours proposé un cinéma mixant approche documentaire et éléments fictionnels. Seul son film La belle et la meute (Un Certain Regard 2017), qui abordait les déboires d’une jeune femme violée par des policiers, échappait au cadre strict du documentaire, bien que basé sur des faits réels. Mais Le Challat de Tunis (ACID 2014), sur des agressions de femmes, et Les filles d’Olfa (Œil d’or Cannes 2023), sur les ravages du djihad, étaient imprégnés de cette dualité. La voix de Hind Rajab, présenté au Festival de Munich 2025, est d’une veine similaire, même si la mise en abyme n’est pas dévoilée au premier abord dans la narration. L’action se situe dans les premiers mois de la guerre menée par Israël contre le Hamas, consécutive aux massacres du 7 octobre 2023. Une association humanitaire palestinienne, le Croissant-Rouge, sert de centre d’appel et de gestion de secours médical quand des Gazaouis en détresse appellent de l’aide. Une famille qui stationnait dans un véhicule a été tuée par des tirs qui provenaient d’un tank de l’armée israélienne. Une fillette, Hind, semble la seule survivante, et est en contact avec l’ONG. Mais pour sauver l’enfant, il faut suivre tout un protocole de « coordination » avec les autorités administratives et politiques, officiellement pour la sécurité des ambulanciers, pendant que les heures de l’enfant sont comptées.

- © 2025 Jour2fête. Tous droits réservés.
La réalisatrice précise dans le dossier de presse : « Pour ce projet, j’ai dû trouver une forme cinématographique où la narration ne repose pas sur l’invention, mais sur la transmission de la mémoire, du deuil, de l’échec. De ce point de vue, je n’ai pas eu le sentiment d’être dans l’invention. Je recevais quelque chose (du domaine de l’urgence, du sacré) et mon rôle était de créer un espace cinématique capable de contenir cette voix dans la dignité. Pour toutes ces raisons, je ne dirais pas que le film "brouille" les frontières entre les genres. À mon sens, il les intensifie et repousse les limites de ce que la fiction peut recouvrir, de ce que le documentaire peut protéger. Ce sont autant de manières de résister aux conventions narratives et d’essayer d’approcher un autre type de vérité : ne pas se cantonner aux faits, mais montrer les émotions, le sens qu’ils ont engendré. » La voix de Hind Rajab est une grande réussite, complémentaire de deux films ayant eu pour même cadre le contexte de ce conflit politique, à savoir Put Your Soul on Your Hand and Walk de l’Iranienne Sepideh Farsi et Oui de l’Israélien Nadav Lapid.

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Le huis clos proposé, axé donc sur l’unité de lieu mais aussi de temps et d’action, est vraiment prenant. La caméra scrute, souvent en plans fixes, des personnages de bénévoles à la fois bienveillants et impuissants face à aux appels de l’enfant, dont seule la voix est présente dans la narration (en plus de quelques photos). D’aucuns ont pu regretter l’aspect sentimental aboutissant, selon eux, à un chantage à l’émotion. Il n’en est rien. C’est le matériau de base et les faits qui interpellent directement le spectateur : jamais Kaouther Ben Hania ne force sur le côté lacrymal et la sobriété de son dispositif fait plutôt songer à un cinéma ouvertement humaniste, qui va du Voleur de bicyclette à Un simple accident. On peut même affirmer que La voix de Hind Rajab donne au cinéma de Ben Hania une dimension discrètement lyrique qui contraste avec l’approche parfois cérébrale de ses films précédents. Voilà donc un long métrage digne, sincère et d’une réelle cohérence esthétique, que l’on ne peut que recommander.
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