Monsieur Jules – La chronique BD

Monsieur Jules vit dans un quartier en pleine reconstruction, les derniers habitants sont tous des anciens, comme lui. Mais Monsieur Jules est bougon, taciturne. Il parle peu et pas pour ne rien dire. Il porte un secret au fond de lui dont il n’arrive pas à se défaire. Sa profession de maquereau ? Non, ça, il l’assume très bien. Tout comme Solange et Brigitte, deux prostituées qui habitent avec lui et vivent leur boulot au jour le jour.

Là, notre trio entretient des rapports de bon voisinage, où certaines choses se paient avec le corps faute d’argent. Et pourtant, ce monde n’est pas glauque comme on pourrait s’y attendre. Beaucoup moins que celui qui va débarquer dans leur quotidien tranquille par l’arrivée d’une jeune femme noire, blessée au couteau, et droguée malgré elle.

D’ailleurs, c’est presque le seul reproche qu’on pourrait faire à ce récit. Cette prostitution à l’ancienne dont on ne voit finalement que les bons côtés. Comme si le modernisme avait emmené les défauts dans ce monde...
Cette femme mystérieuse qui va bousculer la vie de Jules, Solange et Brigitte, pour le meilleur et pour le pire, a un lourd passé. Ce récit nous offre des personnages attachants et humains. Une sorte de famille improvisée dans une vieille maison. Une maison ancienne, entourée de bâtiments en reconstruction. Cette maison, comme ses trois habitants, sont les traces d’un passé. Un passé qui est en train de disparaître. Et l’intrusion de cette inconnue va renforcer encore cela. Car ce petit monde va se heurter à un autre monde de l’ombre, bien plus modernisé et dangereux, celui d’une prostitution plus dure, plus violente, plus inhumaine.

Aurélien Ducoudray, Arno Monin / Grand Angle

Arno Monin nous offre de magnifiques dessins, un trait souple, précis et en même temps inachevé, complété par les traces de crayonnés, de hachures qui apportent une certaine douceur à l’ensemble.
Ces traits inachevés se perçoivent aussi dans les décors. Mais cette technique crée du dynamisme et dans l’action, elle accélère encore les mouvements.
Les couleurs sont très belles, ces teintes oranges qui représentent le crépuscule, la lueur orangée de la ville la nuit, très impressionniste, est très vivante. Comme en témoigne la couverture.
Les compositions sont travaillées et chaque case nous amène en douceur à la suivante. Le rythme tout en souplesse ne lasse pourtant jamais. Et on avance pas à pas en se demandant ce que le sort va réserver à cette curieuse famille sur laquelle plane un fantôme.

Monsieur Jules présente un beau récit, un regard tendre sur trois êtres humains qui s’en sortent vaille que vaille, sans oublier de pointer les horreurs de ce métier et de ce monde de la nuit...