Le 28 juillet 2025
Même s’il n’est pas crédité à la réalisation, Marcel Pagnol est le véritable maître d’œuvre de ce conte provençal poignant, fidèle à son univers et son style cinématographique, avec une étonnante noirceur ambiante.
- Réalisateur : Raymond Leboursier
- Acteurs : Raymond Pellegrin, Fernandel, Charles Blavette, Henri Poupon, Germaine Kerjean, Henri Arius, Jacqueline Pagnol (Bouvier)
- Genre : Drame, Romance, Noir et blanc, Film pour ou sur la famille
- Nationalité : Français
- Distributeur : Gaumont Distribution, Carlotta Films
- Durée : 1h57mn
- Reprise: 30 juillet 2025
- Date de sortie : 22 novembre 1945
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– Reprise en version restaurée : 30 juillet 2025
Résumé : Naïs, jeune paysanne provençale, aime Frédéric, fils débauché des patrons de son père. Elle devient sa « maîtresse des vacances ». Toine le bossu les surprend mais, par amour pour Naïs, il devient leur complice. Micoulin, le père de la jeune fille, met tout en œuvre pour venger son honneur...
Critique : Sorti en 1945, Naïs permit à Marcel Pagnol de retrouver le succès : le film finit à la huitième place au box-office français, avec 3,4 millions d’entrées. Et cela cinq ans après le triomphe de La fille du puisatier. Situé dans sa filmographie entre les médiocres La prière aux étoiles et La belle meunière, Naïs a été produit la Société Nouvelle des Films Marcel Pagnol. Mais comme cela avait été le cas avec Marius et Fanny, le nom du cinéaste n’est pas crédité au générique en tant que réalisateur : seul celui de Raymond Leboursier apparaît. Et Pagnol n’est pas même pas mentionné pour le scénario, adapté du roman Naïs Micoulin d’Émile Zola. Pourtant, Pagnol fut bien coréalisateur sur le plateau ; la réécriture du récit, ainsi que les dialogues, ont bien été travaillés par ses soins. Les conditions de tournage (en Provence, avec dans des décors naturels), les thématiques adoptées et le style cinématographique de Naïs évoquent bien l’univers de Pagnol dont on peut affirmer qu’il est réellement l’auteur de ce long métrage. Toine (Fernandel), un brave garçon souffrant d’un handicap physique (une bosse de naissance) est l’employé agricole du métayer Micoulin (Henri Poupon), tout en travaillant dans une usine locale. Il est secrètement amoureux de Naïs (Jacqueline Bouvier), la fille de son patron, dont il est le confident. Naïs est courtisée par Frédéric (Raymond Pellegrin), le fils cynique des riches Rostaing, propriétaires des terres de Micoulin.

- Raymond Pellegrin, Jacqueline Pagnol (Bouvier), Fernandel
- © 2025 Carlotta Films
Le scénario rappelle la trame de Fanny, Angèle et La fille du puisatier, par le récit des déboires d’une jeune fille séduite et qui attend (ou risque d’attendre) un enfant… Loin de se répéter, Pagnol greffe ce matériau à une belle réflexion sur le sens de l’honneur, les contrastes de classe et le jeu des apparences. Bourru et intransigeant, mais au premier abord honnête, le père Micoulin pourrait sembler un parent du César de la trilogie marseillaise ou du protagoniste de La femme du boulanger. Mais la protection excessive de sa fille, qu’il maintient dans une semi-domesticité, et ses intentions malveillantes vis-à-vis de ceux qui l’approchent révèlent une personnalité inquiétante. Témoignant d’un mépris de classe et certaine de la supériorité de son rang social, Madame Rostaing (Germaine Kerjean) fera preuve d’une réelle humanité et dépassera le respect des contraintes dues à l’ordre social. La mise en scène de Pagnol, fluide et cohérente, échappe aux stéréotypes du « théâtre filmé » auquel on a longtemps voulu réduire son art. Les paysages de campagne sont admirablement filmés, sans céder à la joliesse touristique.
Les travellings (le long dialogue introductif entre Toine et son ami d’enfance ingénieur), les plans fixes (Toine évoquant le souvenir de sa grand-mère) ou les contrechamps aux accents de tragédie (Micoulin découvrant Naïs et Frédéric allongés sous un arbre) révèlent une maîtrise parfaite et singulière de l’écriture cinématographique, pour un cinéma de la parole n’ayant d’équivalent à l’époque que celui de Guitry, et qui annonce (en moins cérébral), les œuvres de Rohmer ou d’un Hong Sang-soo. Il faut (re) découvrir ce film trop méconnu de Pagnol, malgré des diffusions télévisées, et qui reste sous-estimé (l’excellent ouvrage « Une histoire du cinéma français : 1940-49 » de Philippe Pallin et Denis Zorgnotti, aux éditions LettMotif, ne lui consacre que quelques lignes). Il marque une tournure plus sombre, et moins pittoresque, dans son cinéma, malgré un humour toujours présent mais qui tient lieu de politesse de désespoir, et un happy end traduisant un optimisme davantage qu’une concession. Cette tonalité tragique se retrouvera dans Manon des Sources. Les deux longs métrages ont comme autre point commun l’interprétation, pour le rôle-titre, de Jacqueline Bouvier, épouse du réalisateur. À l’été 2025, Naïs est proposé en version restaurée par le distributeur Carlotta, dans le cadre de la seconde partie d’une rétrospective Pagnol.
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