Le 31 mars 2024
Suspense étouffant mais aussi réflexion subtile sur les faux semblants, Ni le ciel ni la terre est une œuvre inclassable qui exerce une réelle fascination.
- Réalisateur : Clément Cogitore
- Acteurs : Jérémie Renier, Finnegan Oldfield, Kévin Azaïs, Swann Arlaud, Marc Robert, Khereddine Ennasri
- Genre : Drame, Fantastique, Film de guerre
- Distributeur : Diaphana Distribution
- Editeur vidéo : TF1 Vidéo, Diaphana Edition Vidéo
- Durée : 1h40mn
- Date de sortie : 30 septembre 2015
- Plus d'informations : Lien Amazon.fr
- Festival : Festival de Cannes 2015
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Résumé : Afghanistan 2014. À l’approche du retrait des troupes, le capitaine Antarès Bonassieu et sa section sont affectés à une mission de contrôle et de surveillance dans une vallée reculée du Wakhan, frontalière du Pakistan. Malgré la détermination d’Antarès et de ses hommes, le contrôle de ce secteur supposé calme va progressivement leur échapper. Par une nuit de septembre, des soldats se mettent à disparaître mystérieusement dans la vallée.
Critique : Venu du court métrage et du documentaire, Clément Cogitore réalise avec Ni le ciel, ni la terre un premier long métrage maîtrisé qui révèle un véritable auteur. Il a ici collaboré avec Thomas Bidegain, habituel scénariste d’Audiard, d’Un prophète à Dheepan. Les réalisateurs français ont souvent été réticents à traiter à chaud d’un conflit armé dans lequel la France est engagé. Pierre Schoendoerffer avec La 317e section ou René Vautier pour Avoir vingt ans dans les Aurès ont mis plusieurs années avant d’affronter le thème des guerres d’Indochine ou d’Algérie, ce qui n’a pas empêché la censure de se déchaîner contre le second cinéaste. Mais Ni le ciel, ni la terre ne propose pas d’approche directe des enjeux de la guerre et on ne saurait le considérer comme un témoignage sur la présence française en Afghanistan. Il n’y a pas non plus de traitement ouvertement politique, la charge antimilitariste étant beaucoup moins explicite que dans Les sentiers de la gloire ou Le désert des Tartares.
- Kévin Azaïs
- © 2013 Kazak Productions / Diaphana Distribution. Tous droits réservés.
Clément Cogitore partage toutefois avec Valerio Zurlini l’aptitude à filmer l’appréhension du danger imminent. D’où vient alors la singularité de Ni le ciel, ni la terre, qui n’utilise qu’avec modération les passages obligés du film de guerre, telles les scènes de combat ? Comme l’a justement remarqué Léo Soesanto lors de la présentation du film à la Semaine de la Critique, le film réussit « la synthèse de John Ford et David Lynch », tout en imprégnant la marque d’un authentique cinéaste. C’est d’abord la capacité à montrer une petite communauté d’hommes en territoire inconnu et hostile, tout en déjouant les attentes du spectateur. Déstabilisés par une zone décrétée sacrée qui prend des dimensions inquiétantes la nuit, et par des autochtones dont ils ne saisissent pas la complexité des mœurs, Bonassieu et son commando sont peu à peu happés par un environnement qui les dépasse. L’aspect fordien (et westernien en général) du film réside dans la simplicité d’une intrigue épurée et cette aptitude à cerner les rapports humains, l’obéissance à l’autorité et la poursuite de motivations personnelles suscitant ici des contradictions fâcheuses.
- Jérémie Renier
- © 2013 Kazak Productions / Diaphana Distribution. Tous droits réservés.
Les plans sur la vallée utilisent alors le décor afghan comme un cadre de tragédie, l’unité de lieu renforçant l’oppression des situations. Car Bonassieu et ses hommes seront très vite confrontés à l’étrangeté de disparitions, qui font glisser le film dans une autre dimension. Certains ont reproché au réalisateur d’avoir voulu s’excuser de cette part de mystère, par des dialogues réalistes visant à éclaircir les zones d’ombre des mésaventures des personnages. C’est, à notre sens, lui faire un faux procès, cette imbrication de rationalité et de fantastique accentuant précisément la force du film. Suspense étouffant mais aussi réflexion subtile sur les faux-semblants, Ni le ciel ni la terre est une œuvre inclassable qui n’a pas volé le prix que lui a décerné le Jury de la Semaine de la Critique. Autour de Jérémy Renier, plus proche du jeu intériorisé de L’enfant que du numéro d’acteur de Cloclo, le casting met en valeur une belle brochette de jeunes espoirs du cinéma français. On citera en particulier les talentueux Swann Arlaud (Michael Kohlhaas) et Kevin Azaïs (Les combattants).
– Semaine de la Critique Cannes 2015 : Prix de l’Aide Fondation Gan à la diffusion
– Prix du Syndicat Français de la Critique de Cinéma 2016 : Meilleur premier film
– Sortie DVD : 3 février 2016
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