Noces - la critique du film

Critique : Journaliste avant de devenir cinéaste, le réalisateur belge Stephen Streker a toujours eu à cœur de se pencher, à travers ses films, sur des sujets de société forts. Après Michael Blanco (2003) et Le monde nous appartient (2013), il utilise, pour cette troisième réalisation, un fait réel pour évoquer avec tact et distance les conséquences dramatiques de la confrontation entre des traditions ancestrales venues d’ailleurs et nos coutumes occidentales. Un sujet sensible que Stephen Streker analyse avec une précision d’orfèvre tout en évitant le moindre parti pris. Afin de nous immerger au plus profond de cette famille musulmane, il prend soin, avant le démarrage de son film, de rencontrer des membres de la communauté pakistanaise en Belgique et s’entoure des conseils d’une consultante pakistanaise de la préparation au dernier jour de tournage, imprégnant les moindres détails (des tenues vestimentaires aux coiffures en passant par la manière de parler) d’une parfaite authenticité.

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Élevée dans les traditions de son pays d’origine, Zahira n’en est pas moins une jeune fille moderne qui entend vivre comme les jeunes gens de son âge, dualité qui la renvoie sans cesse à des dilemmes insolubles. Dès le début du film, on apprend qu’elle est enceinte du garçon dont elle est amoureuse. La raison voudrait qu’elle ne poursuive pas cette grossesse mais une telle décision est incompatible avec les obligations de la religion à laquelle elle appartient. Elle vit dans une famille aimante et qu’elle aime. Pourtant, dès lors qu’elle décide de vivre avec un garçon qui ne répond pas aux critères culturels et religieux exigés par la famille, les apparences à sauver et la crainte du déshonneur familial dépassent toute forme d’amour. Personnage enrichi de deux cultures, Zahira est une jeune fille déterminée qui entend ne renoncer à rien. L’excellente Lina El Arabi, déjà remarquée dans Ne m’abandonne pas, exprime avec la même intensité la joie de vivre d’une femme en toute liberté, déterminée à faire fi des diktats impossibles qui lui sont imposés, tout en prenant garde de ne pas blesser ses parents. Le duo frère/sœur qu’elle forme avec Sébastien Houbani est tout simplement époustouflant de sincérité, à l’image du reste du casting où l’on retrouve le toujours juste Babak Karimi, comédien-phare des films d’Asghar Farhadi La séparation, Le client et Le passé. Le réalisateur choisit de nous offrir de nombreux gros plans des comédiens de manière à nous les rendre plus proches et attachants. Dans un même souci de réalisme, il renonce à toute musique afin d’éviter tout artifice susceptible d’amoindrir la force de sa démonstration.

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Arguant que c’est la situation qui est monstrueuse et non pas les protagonistes qui eux-mêmes la subissent, le réalisateur prend un soin tout particulier à respecter le point de vue de chacun des personnages, afin de susciter l’empathie et surtout de laisser la liberté au spectateur de se fonder sa propre opinion. C’est à coup sûr là que réside la vraie beauté de son film. Néanmoins, s’il évite tout jugement, il n’oublie pas de dénoncer toute l’horreur de cette privation de liberté réservée aux membres féminins d’une famille dont le principal souci est de perpétuer des règles désuètes et injustes et de maintenir jusqu’à l’intolérable la sauvegarde des apparences.
Un film coup de poing qui déconcerte et révolte d’autant que l’ignominie dénoncée bénéficie maintenant des nouvelles technologies puisque ces mariages où le pire l’emporte sur le meilleur s’organisent sur Internet par l’intermédiaire de Skype et risquent ainsi de perdurer. Face à ce sujet douloureux et cruel traité avec intelligence et humanité, l’indifférence n’est pas de mise.