Super Seniors - Dan Lobb - critique

Critique : Ils ont plus de quatre-vingt ans, voire même certains approchent les quatre-vingt-dix, quand d’autres refusent de communiquer leur âge. Ils sont issus de toute la planète et s’exercent depuis des décennies au tennis qui les amènent à concourir pour la meilleure place. Super Seniors est bien situé dans l’air du temps où les avancées de l’Intelligence Artificielle et les théories sur l’homme augmenté laisseraient penser que la vie pourrait devenir éternelle. Ainsi, pendant presque deux heures, le spectateur assiste à des tournois où des femmes et des hommes vieillissants s’affrontent dans un esprit bon enfant.

Le propos est évidemment intéressant, voire drôle. Mais on ne peut pas s’empêcher de se demander si un tel documentaire trouve sa place sur un écran de cinéma, là où il recevrait un meilleur accueil sur un petit écran. En effet, le long-métrage ne cherche pas à jouer sur les images, le récit, comme on le fait au cinéma, adoptant ainsi une tonalité très classique où les protagonistes échangent sur leur rage de gagner, mais aussi leur envie de respecter leurs partenaires. La musique, purement américaine, accompagne ces portraits tonitruants où la patience, la fatigue, les maux du corps sont mis à rude épreuve.

Copyright Destiny Films

Le documentaire de Dan Lobb souffre d’une certaine ambiguïté dans les intentions. Malgré toute l’énergie que déploient les joueurs, ils finissent par céder aux limites de leur propre corps, les poussant parfois à renoncer à leur passion. Cette lutte incessante pour repousser l’inéluctable interroge sur le rapport que le réalisateur entretient avec le passage du temps et la mort. Il laisserait presque supposer, avec beaucoup de nuances, que le corps est en capacité de dépasser toutes les épreuves de l’existence, au mépris des dommages organiques ou cognitifs, étroitement liés à la vieillesse.

Bien sûr, on perçoit derrière ces sportifs une sorte de combat contre le souvenir, les ravages de l’existence jonchée de décès inacceptables. Tous détestent perdre, comme si à chaque échec, c’était leur propre vie qui était remise en question. À cette posture narrative, pourtant intéressante, le réalisateur oppose une certaine superficialité des personnages présentés, qui finalement ne se livrent que trop peu, au bénéfice du jeu sur le court. Les gradins sont d’ailleurs la plupart du temps vides, reléguant hélas ces témoignages à une expérience anecdotique, aux vertus assez peu universalistes. La musique mielleuse rajoute à ce sentiment d’un film qui ne va pas à l’essentiel de ces vies, marquées par un désir d’éternité insatiable.

Copyright Destiny Films

Dan Lobb était lui-même tennisman professionnel. Super Seniors le ramène à un vague projet de renaissance personnelle où il tente à travers le cinéma de donner à sa carrière un nouveau lancement. Hélas, le propos général dresse une tentative de méthode psychologique pour garder le moral, conserver la forme, assez caricaturale, et les personnages deviennent presque les archétypes de cette méthode de jouvence. Mais le spectateur ne s’y trompe pas : la perte de dépendance, les troubles de la cognition sont des réalités qui emportent les personnes âgées, pourtant dotées pour certaines de la même pugnacité.

On sera donc resté un peu de marbre devant ce documentaire sans doute trop linéaire et classique pour soulever l’enthousiasme. En tout cas, Super Seniors parle du bonheur de vieillir, surtout quand on a la santé, l’entourage familial, et la force psychologique pour déplacer des montagnes.