Le 16 mai 2025
Un polar efficace, dans la lignée des thrillers politiques de Pakula ou Boisset. Dominik Moll confirme son savoir-faire et Léa Drucker trouve un autre bon rôle à la hauteur de son talent.


- Réalisateur : Dominik Moll
- Acteurs : Stanislas Merhar, Léa Drucker, Aleksandra Yermak, Geneviève Mnich, Hélène Alexandridis, Guslagie Malanda, Mathilde Riu, Florence Viala, Antonia Buresi, Yoann Blanc, Kévin Debonne
- Genre : Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Thriller politique
- Nationalité : Français
- Distributeur : Haut et Court
- Durée : 1h55mn
- Date de sortie : 19 novembre 2025
- Festival : Festival de Cannes 2025

L'a vu
Veut le voir
– Festival de Cannes 2025 : Sélection officielle, En compétition
Résumé : Le dossier 137 est en apparence une affaire de plus pour Stéphanie, enquêtrice à l’IGPN, la police des polices. Une manifestation tendue, un jeune homme blessé par un tir de LBD, des circonstances à éclaircir pour établir une responsabilité... Mais un élément inattendu va troubler Stéphanie, pour qui le dossier 137 devient autre chose qu’un simple numéro.
- © Festival de Cannes 2025
Critique : Coécrit avec Gilles Marchand, Dossier 137 est dans la continuité thématique et stylistique de La nuit du 12. Même procédé d’enquête sur un crime avec un personnage central de policier (Léa Drucker succédant à Bastien Bouillon), même approche semi-documentaire, utilisation similaire de la vidéo pour résoudre une énigme, prolongement de la réflexion sur l’intégrité et la justice autour d’un thème de société, les violences policières prenant ici le relais de celles commises contre les femmes. Dominik Moll semble donc s’écarter de la veine de ses premiers films, qui ne mettaient pas vraiment en avant des policiers, quand il décrivait le cas d’une emprise pouvant conduire au meurtre dans Harry, un ami qui vous veut du bien, ou lorsqu’il empruntait la piste du mystère fantastique avec Lemming. Sans être tiré d’une histoire vraie à proprement parler, le scénario est inspiré du cas de plusieurs personnes gravement blessées lors du mouvement social des Gilets jaunes, alors qu’elles n’avaient commis aucun acte délictueux et violent, si ce n’est d’avoir été présentes à une manifestation non autorisée, au sein d’une foule particulièrement remontée contre le pouvoir en place, et comportant un certain nombre d’éléments violents voulant jouer les révolutionnaires et prendre l’Élysée... Une brave jeune homme de province, venu avec sa famille et un ami rejoindre le mouvement le temps d’un samedi, se voit ainsi transporté à l’hôpital après avoir reçu un tir de LBD sur la tête (une déconvenue moins grave était arrivée à Pio Marmaï dans La fracture, l’une des premières fictions sur les Gilets jaunes). Victime collatérale d’une manifestation qui a dégénéré ? Acte de légitime défense d’un représentant des forces de l’ordre ? Ou effets de la stigmatisation de tout un mouvement et bavure manifeste d’agents de police ?
- © 2025 Photo : Fanny de Gouville / Haut et Court. Tous droits réservés.
L’originalité du récit est de passer par le regard de Stéphanie, une enquêtrice de L’IGPN (Inspection générale de la police nationale), une institution rarement traitée au cinéma (on songe au personnage secondaire de Marie Trintignant dans Le cousin). Des fonctionnaires en porte-à-faux, suspectés de complaisance par l’opinion publique (des policiers enquêtant sur d’autres policiers) et de traîtres potentiels par des représentants des agents de terrain. La profondeur du personnage de Stéphanie vient aussi du fait qu’elle est issue d’un milieu populaire, et retourne régulièrement à Saint-Dizier, sa ville natale. Elle devra se battre pour défendre son sens des valeurs et de l’intégrité face à des pressions venues de tous bords. Comme Ladj Ly dans Les Misérables, les auteurs prennent le soin de nuancer la caractérisation des protagonistes principaux, ce qui les place à la fois à l’abri du film à thèse lourdement dénonciateur, tout en les situant dans la zone de confort du « scénario objectif ». Car la thèse n’oublie pas l’antithèse. Moll et Marchand n’adoptent ni une posture moralisatrice défendant à tout prix l’autorité, ni une vision populiste au service d’un mouvement soutenu par des partis politiques extrémistes. Ce qui honore le long métrage tout en lui conférant une respectabilité consensuelle, qui évite toutefois l’académisme.
- © 2025 Photo : Fanny de Gouville / Haut et Court. Tous droits réservés.
Le meilleur de Dossier 137, qui a bénéficié d’un travail de documentation intense et d’entretiens avec des membres de l’IGPN, résulte dans la précision de l’enquête menée dans le film, avec un montage éblouissant mêlant témoignages en plans fixes et images de vidéos. Et Dominik Moll de préciser dans le dossier de presse : « Pendant mon immersion à l’IGPN, j’ai pu constater que dans les affaires de violence liées aux forces de l’ordre, les témoignages sont tellement contradictoires et si polarisés que les vidéos sont en général la seule façon de faire avancer les enquêtes. Les équipes passent un temps infini à rassembler puis décortiquer toutes sortes de vidéos pour essayer d’établir ce qui s’est passé avant, pendant, et après les faits. Qu’il s’agisse des caméras de surveillance de la préfecture (les PZVP), de caméras de surveillance privées, de vidéos filmées par des journalistes, ou de celles des smartphones des manifestants, tout est utilisé. Mais même lorsqu’on trouve une vidéo incriminante, elle donne lieu à différentes interprétations, d’autant qu’elles sont souvent de mauvaise qualité. » Et le réalisateur de citer Blow-Up pour étayer son point de vue : de l’ambiguïté de la vérité apparente de l’image. C’était déjà le cas dans La nuit du 12, mais le réalisateur donne ici un poids plus important à cette dimension. Moins convaincantes nous semblent les séquences montrant Stéphanie dans son cadre familial. Les discussions avec son ex (Stanislas Merhar), lui-même policier en couple avec une syndicaliste policière, ou avec sa mère (Geneviève Mnich), n’évitent pas les stéréotypes de dialogues. C’est également le cas lors des échanges entre Stéphanie et une femme de chambre témoin du crime (Guslagie Malanda, aussi doloriste que dans Saint Omer). Cela n’empêche pas d’apprécier la qualité globale d’un film, dans la lignée de certains thrillers de Pakula ou Boisset, et magnifiquement porté par Léa Drucker, qui confirme les qualités de jeu qu’elle avait déployées dans Jusqu’à la garde ou L’été dernier.
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.