Le 3 novembre 2025
Cette étude du combat pour l’indépendance d’un journal peut sembler extérieure l’univers de Chéreau. Il n’en propose pas moins un film respectable, porté par l’interprétation grandiose de Simone Signoret.
- Réalisateur : Patrice Chéreau
- Acteurs : Philippe Léotard, Alain Libolt, Bernard-Pierre Donnadieu, Simone Signoret, László Szabó, Philippe Castelli, Jean Rougerie, Robert Manuel, Jean Rougeul, Daniel Lecourtois, François Simon
- Genre : Drame
- Nationalité : Français
- Distributeur : Gaumont Distribution, Malavida Films
- Durée : 2h05mn
- Reprise: 5 novembre 2025
- Date de sortie : 6 octobre 1978
- Plus d'informations : Le site du distributeur
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– Reprise en version restaurée : 5 novembre 2025
Résumé : Les actionnaires d’un quotidien a la dérive font appel a une autre actionnaire, ancienne résistante, qui vit retirée dans sa grande maison, pour venir sauver leur journal. Judith Therpauve n’y croit pas mais tente quand même le coup.
Critique : C’est le second long métrage de Patrice Chéreau, qui était surtout connu à l’époque comme metteur en scène de théâtre et d’opéra, l’un des plus audacieux et doués de sa génération. Ce jeune talent insuffla notamment sa personnalité au Théâtre national populaire de Lyon-Villeurbanne et au Piccolo Teatro de Milan. Chéreau avait déjà abordé le cinéma avec La chair de l’orchidée, polar baroque et décalé, au style très théâtral, échec public et diversement accueilli par la critique. Renié par la suite par son auteur, il est pourtant l’objet d’un culte chez certains cinéphiles. Produit par Daniel Toscan du Plantier alors à la tête de Gaumont, Judith Therpauve semble a priori aux antipodes de l’univers de Chéreau. On est surpris d’y voir le nom de Georges Conchon en tant que coscénariste. Ce dernier était plutôt associé à un cinéma traditionnel dénonçant le post-colonialisme (L’état sauvage) ou le pouvoir de l’argent (Sept morts sur ordonnance), ancré dans un courant plutôt emblématique de la « nouvelle qualité française » des années 1970. Car l’on retrouve dans le scénario de Judith Therpauve tous les éléments d’une certaine « fiction de gauche », comme on disait à l’époque, et qu’auraient pu filmer Boisset, Rouffio ou Girod.

- © Gaumont Malavida
Soit donc ici une ancienne résistance contactée par ses ex-compagnons de combat pour reprendre les rênes d’un quotidien local en difficulté, La Libre République, dont le profit est en chute libre, et sur le point d’être racheté par un puissant groupe de presse, ce qui serait une atteinte à son indépendance et à la liberté de sa ligne éditoriale. D’abord réticente, Judith Therpauve accepte de livrer le combat, quitte à y laisser des plumes. Le synopsis est inspiré des déboires du journal Paris-Normandie qui venait d’être absorbé par le groupe Robert Hersant. Le film de Chéreau n’échappe pas à un certain manichéisme inhérent au genre, avec ces dignes provinciaux fidèles à leur idéal, de sournois capitalistes agissant dans l’ombre. Et la mise en scène, plutôt sage, évite de justesse l’académisme. On l’aura compris. Ce film sur la presse n’a pas l’ambition d’être le nouveau Citizen Kane, ni même une œuvre hollywoodienne aussi incisive que Bas les masques ou Le gouffre aux chimères. Judith Therpauve n’en est pas moins respectable et l’on peut même y déceler, en mode implicite, des éléments thématiques et stylistiques chers à Chéreau, au-delà du recours aux collaborateurs artistiques et techniques de son film précédent (Richard Peduzzi aux décors, Pierre Lhomme à la photo).

- © Gaumont Malavida
La première scène filmant une villa quasi déserte fait écho au début de La chair de l’orchidée ; Judith et ses quasi-gardes du corps évoquent Mme Bastien-Wegener et son escorte dans le même film, où il était aussi question d’héritage et de luttes pécuniaires. Les complots internes et externes annoncent La reine Margot, et la noirceur qui imprègne la narration préfigure tout Chéreau, de L’homme blessé à Persécution. Simone Signoret dans le rôle-titre trouvait l’un de ces derniers grands rôles de maturité : regard perçant, présence magnétique, elle est impressionnante. Elle est entourée d’une belle brochette de seconds rôles dont Philippe Léotard en journaliste faussement dilettante ; Robert Manuel, rédacteur en chef caractériel ; ou François Simon, ancien dirigeant mourant. Judith Therpauve, sans être un sommet de la filmographie du cinéaste, mérite donc bien un détour. Le retour de Chéreau à la réalisation s’effectuera cinq ans plus tard avec L’homme blessé qu’il considérait comme son vrai premier long métrage.

- Crédit : Luc Roux © Malavida

























